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Et tu tremblera dans la vue de ces merveilles [Anna]
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Anna Kosma
Mails : 33
Double-compte : Pandore
Emploi/loisirs : Causer des incendies dans le coeur des gens
Portrait robot : Petite sainte qui se bat dans les rues avec son sourire pour ce qu'elle estime juste. Un coeur débordant d'un amour inconditionnel mais qui peine à se pardonner ses propres erreurs.
$ : 880
Anna Kosma
Jeu 21 Mar - 9:46

       
Et tu tremblera à la vue de ces merveilles
Pandore et Anna
Elle ignorait ce qui l’avait menée en ces lieux. Entre ces murs odorants, tout n’était qu’ostentation, lumière aveuglante et cris de jubilation.
Tout ce qu’elle n’était pas.
Ses ailes brûlées pourtant, pendant lourdement dans son dos douloureux, l’avaient traînée jusqu’ici.
Peut-être était-ce par curiosité, par pur amour de l’art.
Elle avait entendu les rumeurs.
Elle admirait le travail de Zeuxis Herakleios. Elle avait silencieusement contemplé la grâce mortifère de sa mince muse – elle avait été fascinée bien souvent par ce regard d’outre-tombe qui la suivait quand elle marchait. Elle avait regretté de ne pouvoir aller à la rétrospective et de voir la fameuse androïde, dont elle doutait qu’elle puisse égaler la noblesse du travail de peintre.
Mais quand elle avait entendu parler, de la bouche d’une amie, du Crépuscule et de sa dernière acquisition…
Elle était partagée entre dégoût et excitation. Qu’une œuvre d’art finisse dans un lieu pareil, si obscène, lui paraissait inimaginable. Mais au moins elle aurait une occasion d’inspecter l’objet de sa convoitise.  
Elle ne s’attendait pas à être frappée par la beauté des lieux. Elle ne pensait pas tirer un quelconque plaisir de la volupté interdite de cette ambiance feutrée, sensuellement élégante. Elle ne pensait pas se retrouver à contempler les corps magnifiques des éphèbes et des néréides, béate d’admiration.
Mais elle s’attendait encore moins à croiser la route de ce regard farouche.
Silhouette éthérée, prête à se rompre, à s’évanouir dans l’air.
Irréelle et pourtant si humaine.
Elle reconnaissait dans le travail d’orfèvre qu’était cette androïde le génie de l’artiste – elle ne s’attendait pas à un tel succès de la démarche créatrice incarnée dans une telle créature. Elle était Galatée, première statue mouvante dont la peau semblait taillée à même le diamant.
Sa danse n’était pas la chorégraphie fluide et mécanique imaginée par le peintre. Elle n’était pas non plus un hommage à la grâce. C’était une danse endiablée, faite de rupture, de heurts, mouvements de hanche hypnotiques – elle ondulait comme un serpent prêt à bondir. Elle semblait danser sur des tisons incandescents, le phosphore de ses yeux brûlait la sainte vive.
Elle était impuissante devant ce corps fragile.

Le soir était tombé et elle s’était retrouvée seule face à la cage en verre. L’oiseau bleu à l’intérieur riait avec défi. Elle ne chanterait pas ce soir. Captivée par le plumage de ses iris-caléidoscope, par la musique du moindre de ses gestes, elle était restée là, suspendue à son souffle dans le secret de ce lieu maintenant désert.
La Femme toisait sa semblable, chacune disposée des deux côtés du miroir.  
Leurs mouvements s’étaient répondus, discussion réciproque. Fusion de l’âme et du corps, elles dansaient alors que les mots étaient incapables de leur venir en aide. Anna tournait autour de la boîte – Pandore s’apprêtait à l’ouvrir.
Il y avait du feu dans cette libellule vibrante et grondante. Elle le voyait dans ses yeux, elle le voyait dans le défi qu’elle lui lançait en permanence par sa simple existence. Elles brûlaient de concert – deux martyres aux corps martelés.
Certitude.

Enfin vinrent les mots. Enfin vint le contact. Quand il n’y eut plus de verre entre elles, plus d'illusions possibles, Anna fut livrée à ses merveilles, tremblant de tout son corps : elle vivait, c’était certain. Les vieux dogmes grinçaient dans son esprit: que savaient-ils ? Comment ne pas voir ce qui s’offrait à son regard ? L’être chaotique qui lui parla longuement avait tout de l’enfant : la curiosité, la cruauté, les flammes. Pandore, qui avait ouvert la boîte, était un être sublime, marchant sur le mince fil séparant le dangereux du magnifique.
Elle pouvait devenir un monstre. Mais elle pouvait également devenir un ange.
Ce soir-là, dans le secret du Crépuscule, Anna fit un vœu. Elle ne laisserait pas le petit être brûler. Elle prouverait l’universelle nature de l’âme en apprenant à l’être l’humanité.


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