Raven Aston | | | Raven avait décidé de sortir, un fait rare pour la jeune écrivaine. Ces dernières semaines, elle avait rencontré plusieurs personnes et l’expérience n’avait pas toujours été désagréable. Elle était toujours effrayée de tomber sur un robot, mais parvenait petit à petit à se persuader qu’ils ne menaçaient pas d’exploser en permanence. Comme Morgane le lui avait dit une fois « c’est comme les avions ! Il y a toujours eu des personnes effrayées de monter à bord, mais pourtant, c’est le moyen de transport le plus sûr ! » Raven avait marmonné un « ouais », mais la comparaison l’avait fait réfléchir.
La jeune femme avait rejoint un bar du centre-ville qu’elle avait l’habitude de fréquenter autrefois. Devant l’enseigne, elle s’était souvenue des différentes phases qu’elle avait traversées avant de se replier sur elle-même. Sa peur des androïdes s’était manifestée différemment au fil du temps. Elle n’avait pas toujours eu peur de sortir de chez elle, de fréquenter des gens… Puis les robots s’étaient fondus de plus en plus dans la masse et elle avait décrété qu’elle ne pouvait plus faire confiance à personne.
Le bar était majoritairement fréquenté par des « réfractaires », ces personnes qui étaient contre l’avancée et/ou la présence des androïdes dans leur vie. C’était ainsi que Raven avait découvert les lieux à l’époque et elle fut rassurée de constater que la clientèle n’avait pas changé en écoutant ici et là les discussions. Après avoir commandé un cocktail, elle rejoignit une table de quatre, où trois personnes d’une vingtaine d’années jouaient aux cartes.
- Il vous manque quelqu’un ? fit-elle sans oser s’installer.
Ils lui sourirent et l’invitèrent à s’asseoir tandis qu’un garçon aux cheveux noirs mêlaient les cartes. Son visage lui disait quelque chose et après plusieurs verres, tous deux se rappelèrent s’être vus quelques fois dans le bar, quelques années auparavant.
Raven aimait le poker, cacher son jeu et prendre ses adversaires au piège grâce au bluff. De plus, elle ne craignait jamais de perdre sa mise, étant suffisamment riche pour perdre quelques parties.
Les tournées s’enchaînaient, les cocktails étaient plus forts – à moins qu’il s’agisse d’une impression ? – et les pièces s’amoncelaient au centre de la table collante d’alcool. Alors qu’elle gagnait le pactole, la jeune femme se leva en titubant et attrapa une cigarette entre ses doigts.
- J’vais fumer… Relance les cartes, cow-boy, lâcha-t-elle à sa connaissance avant de sortir du bar, l’esprit embrumé par l’alcool.
Elle heurta un poteau électrique et jura avant de porter la cigarette à ses lèvres. Elle inspira une longue bouffée de fumée avant de l’expirer lentement, ses yeux fixant le ciel. Sa tête tournait, les étoiles étaient floues. Il y avait longtemps qu’elle n’avait plus passé une si bonne soirée.
Sa cigarette consumée, elle la jeta dans le cendrier mural, tituba et heurta un passant.
- Raah, shit ! maugréa-t-elle en reculant.
Les murs du bar tanguaient à côté d’elle, mais Raven fit l’effort de relever la tête et de s’excuser. Il s’agissait d’un homme d’une trentaine d’années – à vue de nez – blond, grand et mince, le type athlétique.
- Allez, v’nez là, j’vous paye un verre pour euh, m’excuser. - Non merci, déclina-t-il poliment. Je ne bois pas et mon maître m’attend. - Ton… maître ?
Soit il était adepte d’un club sadomasochiste, soit…
- T’es un putain de robot ?!
Son silence fut une réponse.
- Oh c’mon ! T’es pas programmé… hic ! pour éviter de nous rentrer dedans, hein ?! s’écria-t-elle en posant un doigt accusateur sur son torse.
Elle l’attrapa par le col de son pull.
- Tu m’étonnes que t’es en métal, t’étais trop canon pour être vrai. Tu bois pas tu dis ? C’est bien dommage, attends de goûter le pure malt, tes câbles vont bouillir !
Une foule s’était formée autour de Raven et de l’androïde. Personne n’osait intervenir, soit parce qu’ils soutenaient la cause de l’écrivaine, soit parce que la plupart des humains sont de purs égoïstes, soit parce qu’il y avait d’autres androïdes trop peureux. Ils pouvaient bien l’être et elle n’hésiterait pas à le leur montrer, si personne ne l’arrêtait. |
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