Emploi/loisirs : Causer des incendies dans le coeur des gens
Portrait robot : Petite sainte qui se bat dans les rues avec son sourire pour ce qu'elle estime juste. Un coeur débordant d'un amour inconditionnel mais qui peine à se pardonner ses propres erreurs.
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Sam 2 Mar - 0:35
Illusion volontaire Feat Noah & Anna
La journée avait été longue. La tête pleine de mots qu’elle ressassait, Anna déambulait au hasard, le pas léger, se laissant porter par ses déterminismes. Où allait-elle atterrir aujourd’hui ?
Elle aimait ce quartier coloré où elle était une anonyme, presque libérée de ses déterminismes. Ici, elle pouvait être qui elle voulait, et aujourd’hui elle se contenterait d’être une simple étudiante. Les jambes en coton, la sangle de son sac de cuir rentrant douloureusement dans son épaule, elle était aussi rompue que toute autre élève, les yeux usés par les mots et ne demandant qu'à s'asseoir. Elle se plaisait cependant dans cette fatigue nouvelle, dans cette lubie de tout faire à pied, d'arpenter. Marche et pensée étaient les meilleures compagnes de voyage - les moines et les artistes l'ont toujours su.
La vitrine chaleureuse d’un café attira son regard. Peut-être était-ce son nom, qui l’avait amusée et qui avait guidé ses pas à l’intérieur. « Le gai savoir. » Le lieu respirait le calme. Les effluves de café torréfié lui chatouillaient les narines. Elle inspira avec plaisir, laissant sa fatigue à l’entrée, s’installant sur une petite table à l’angle, près d’une fenêtre, attendant patiemment qu’on vienne la servir.
La lecture n’attendant jamais, elle ne perdit pas un instant pour extraire de sa sacoche une petite pile de bouquins qu’elle étudiait ces derniers temps pour compléter sa formation. Plongée dans les moralistes classiques depuis quelques mois, Les mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand reposaient à côté des Essais de Montaigne. Mais entre ses doigts délicats se tenait le livre qu’elle chérissait par-dessus-tout : Les Pensées de Pascal, une édition cornée et très annotée qu’elle avait lue en long, en large et en travers ; mais qu’elle n’avait jamais fini d’explorer.
Aujourd’hui, c’était la nature de l’amour-propre qui l’intéressait. Les mots « illusion volontaire » avaient tourné dans son esprit depuis quelques jours. Des mots qui lui parlaient – des mots dont elle sentait la culpabilité peser sur ses épaules. La philosophie avait joué un rôle majeur dans sa pensée depuis qu’elle avait eu sa révélation : il n’était plus question pour elle d’obéir au dogme, mais bien d’explorer sa pensée-propre et ses croyances : c’est pour cette raison qu’elle lisait de tout, avec un œil aussi impartial que possible, elle cherchait des réponses chez ceux qui s’étaient obstinés à poser des questions toute leur vie.