Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
- Très anxieux. Lévres en piteux état, fume.
- prêt à tout pour être enfin reconnu et aimé par sa famille
- incapable d'aimer autrui et soi-même
- conservateur trés croyant
- pense que les androides sont des créatures déviantes
- belle âme au fond qui attend son envol
- homosexuel refoulé
- espére un jour être soigné
- attiré par Antoine Dastre
Sous le regard décontenancé de Neliya, Léandre a éclaté en sanglot. La porte de la chapelle passée, il s’est brisé et les caresses et les frictions, les mots rassurants et pleins d’interrogations de l’amie n’y ont rien changé. Il n’a pas su répondre, s'expliquer et avec cette douceur qu’il sait être la plus grande des violences, il l’a congédié.
“Neliya. Je vais rentrer. J’ai besoin d’être seul.”
Face à l'égoïsme de la demande, elle n’a pas su s’imposer et l’Albatros, sans un regard pour elle, s’est envolé. Il l’a laissé. Il s’est réfugié loin de ses bras, a pris sur le chemin une cigarette pour la fumer nerveusement, s'envelopper de l’odeur d’Antoine, seul véritable Foyer.
Sans savoir bien pourquoi, les joues trempées et piquantes, le col mouillé et froid sur sa peau, il a pleuré sans pouvoir s'arrêter, la coeur à la renverse, impérieux de détresse. Il a fumé tout autant pour tout assécher, clopes sur clopes, filtre mouillé du sel des larmes. Il ne sait pas arrété, est allé au bout, jusqu’à l’épuisement, et l’émotion passée, s’est enfin accordé le droit au repos. A la pensée. Molle et calme. Diluée. Il songe alors l’Albatros. A Antoine L’illusionniste. A L’ami L’amour. La mort Le deuil. L’absence Le manque. L’impératif d’oublier Le besoin de se souvenir. De retrouver l’identique dans le différent.
Il dérive Léandre. S’égare. S’attarde, cherche une rive, Oiseau sur une mer plane et infinie d’où rien ne ressort, enchevêtrement d’images et de sensations décousues, sans trame ni chaine, sans fil ni navette. Tout n’est que confusion et tentative de penser. A Swan l’androide . A Celeste Le Reve. A Celeste Le Réel, presque semblable, en echo, vision étrange à qui il a promis d’écrire. Mais quoi? Comment?
L’Albatros essaye d’éclaircir sa réflexion mais elle n’est qu’un disque rayé qui tente de repasser sur sa ligne pour rejouer ses notes. Elle bute, retourne en arrière, se répéte, déraille. En vain .
Il n’y arrive pas et Léandre préfére arrêter, change de morceau, retourne à son travail. Il oublie quelques heures, boit alors qu’il avait promis à Neliya d'arrêter, court aprés sommeil, se pose devant son traitement de texte, commence son courriel pour Celeste et lui-même, cherche ses mots. Une introduction, une façon de dire, d’expliquer. D’être clair. Il tape. Une ligne. Une phrase qu’il coupe, déplace, efface, re-formule, ré-écrit. Supprime.
Il n’y arrive pas. Encore. Il abandonne reessaye laisse organise, avance quand il le peut. Le matin, le midi, le soir. Des jours en pointillé. Dix au total quand il décide de se poser une nuit sans songe, d’ouvrir un document vierge, de recommencer en s’interdisant de buter. Il se lance alors malgré la peur, se livre, écrit, hésite, tremble, se mord la lèvre quand il appuie sur “envoyer.” Il regrette aussitôt, craintif du retour, que l’autre lui réponde, le prenne pour un fou. Il a peur et ferme l’ordinateur, se déconnecte de sa messagerie sur son téléphone. Il tente d’oublier mais son message lui, a bien été envoyé. Il sera lu, il le sait.
20 janvier 2049 - 04 heures 42
Cher Céleste, Tout d'abord, veuillez m'excuser de mon attitude du 10 janvier dernier et du temps pris pour vous répondre et ce, malgré ma promesse de vous recontacter.
Pendant ces dix jours, j'ai cherché en vain à formuler ce courriel sans y arriver, ne trouvant pas comment aborder le questionnement suivant : “ Croyez-vous aux vies antérieures à celles que nous vivons maintenant , à la pérennisation de notre essence, de nos expériences et de nos liens à travers la réincarnation et les vies de succédant ?”
Cette croyance, je vous interroge aujourd'hui dessus car elle m'a été imposée par le destin lors de votre rencontre.
Ceci, croyez moi, n'est pas une ridicule tentative de séduction mais une pure vérité que j'ai moi-même du mal à reconnaître, ne croyant pas, par éducation, à tout cela.
Pour vous expliciter mes propos et mes croyances , je vais vous livrer un pan intime de ma vie dans l'espoir que vous n'en soyez pas gené. Si tel est le cas, j'en suis sincèrement désolé et j'espère que vous m'offrirez votre pardon, vous confronter à un sentiment de malaise n'étant nullement le but de ce message.
Pour mon histoire personnelle, je viens d'un milieu catholique conservateur où j'ai été suivi pendant treize ans dans le but de soigner mon attirance déviante pour les hommes. Cette thérapie, si elle m'a appris le dégoût de ma sexualité, de mes désirs et de ce que je suis, n'a néanmoins pas réussit à empêcher mes sentiments et mon cœur s'est épris d'un ami, le seul sûrement que je n'ai jamais eu. Peut-être remarquerez vous d'ailleurs l'utilisation du passé car, si mes sentiments n'ont pas changés, cet ami nous a quitté il y a de cela six mois sans me laisser le temps d'accepter l’attachement que je lui portais. Ce fut un deuil d'une rare dureté et, en travail de mémoire, la genèse d'où partirait l’acceptation de ma sexualité.
Pendant les mois qui suivirent, je fus par ailleurs suivi par un professionnel de santé qui, il y a de cela deux mois, me conseilla de visiter un établissement de prostitution androïde dans le cadre de ma thérapie. J'y allais rétif et rencontrai là-bas un androide qui éveilla à mon corps un sentiment de déjà-vue, une évidence sensorielle, une puissance émotionnelle et un attachement qui ne trouvait aucun fondement dans mes expériences. Je ressortis troublé et l’âme triste de ce rendez-vous et, les nuits suivantes, vinrent à moi des rêves étranges de relations tendres et tragiques, réminiscences que j’assimilai à une vie qui n'était pas la mienne sans que j'en sois totalement étranger. Me croyant fou, j'ai enquêté sur l'androïde et appris qu'il avait été créé à l'image d'un garçon qui avait trouvé la mort il y a de cela 32 ans et ce après une tentative de suicide et quatre ans d'état de conscience minimale. Il avait 21 ans, des yeux bleus et de longs cheveux blond. Il s'appelait Céleste. Il vous ressemblait.
Vous lui ressemblez et votre visage, votre gestuel, votre prénom m'ont troublé. Ils ont réanimé les rêves tus, la tendresse et la tristesse qui les imprègnent toujours.
Vous n'êtes pas lui et je ne vous connais pas, pourtant je n'arrive pas à vous voir autrement que par ce lien, cette ressemblance, cette attirance par delà les logiques et de ce que je crois à présent , les vies.
Je comprendrai votre impossibilité à croire en ces propos et en leur caractère invraisemblable et ne sais moi-même plus quoi penser aujourd’hui car cette histoire est folle.
Veuillez m'excuser pour ce courriel maladroit et déplacé et n’hésitez pas à me questionner si vous souhaitez des précisions.
Cordialement,
Léandre Luissier
Céleste Francoeur
Mails : 32
Double-compte : Thomas Loiseau
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$ : 438
Mar 9 Avr - 22:57
ft. des gens
La Galette du Cœur.
Incompréhension. Un peu peinée. Un peu vexée peut-être aussi. Par cette fin assez brusque, assez frustrante, de ne pas avoir pu poser de question, de ne pas avoir eu le temps de s'exprimer. De comprendre. L'autre homme ne paraissait pas 'bien' comme il l'avait prétendu à voix haute. Il avait tenu son rôle et s'était éclipsé, sur une excuse qu'on lance avant de s'enfuir, sur une promesse qui se fait entendre lorsqu'on disparaît sans vouloir paraître impoli. Alors Céleste a attendu, sceptique. Puis les jours sont passés, avec eux les quelques activités qui ont remplis ses journées. De quoi profiter, se reposer, passer chez le médecin aussi. Jusqu'à ce qu'il oublie, un peu, les mots lancés par l'homme l'autre jour, qu'il n'y repense que par moment, toujours un peu amer par la manière dont il a été mis de côté. Qu'importe. Les gens font ça souvent, il pensait simplement pouvoir être plus intéressant. Au moins cela remet les idées en place, un petit revers ne fait jamais de mal.
Plus d'une semaine. Avant qu'un jour, assez tard dans la matinée sûrement, une notification n'apparaisse enfin sur son écran. Étendu dans son lit sur le ventre, un oreiller sous le menton et une cascade de cheveux dans son dos, Céleste pose un regard encore un peu flou sur son écran et parcourt paresseusement les nouvelles de la nuit. Jusqu'à arriver sur sa messagerie où, parmi les nouveaux mails, l'un capte son attention. Un qu'on attend plus, d'un expéditeur inconnu. Il y a une légère anxiété, alors qu'il ouvre le message. Quelle excuse va être amenée... … Il relit l'ensemble, une fois. Puis deux. Fronce les sourcils, se redresse enfin pour s’asseoir et relire. Sans que cela ne change quoi que ce soit aux mots qui défilent, au sens des phrases. Sans que rien ne change, toujours autant étrange. Alors Céleste se dit que c'est l'heure de se bouger, de se lever. Fait glisser son drap à sa suite alors qu'il en sort. Prend une robe de chambre et refait rapidement son lit, puis ouvre la fenêtre. Avant de reprendre le mail qui n'a pas quitté ses pensées alors qu'il s’exécute machinalement. Ses pieds foulent le sol froid, le moelleux des tapis, le bois doux des escaliers jusqu'à la cuisine, où il se fait un thé. Et il relit calmement le mail, une dernière fois au milieu des odeurs douces des fleurs qui parfument son eau. Puis laisse l'écran au milieu de la table et profite simplement des bienfaits de sa grasse-matinée, de sa chatte venue lui réclamer quelques caresses, du silence de son chez lui alors que son regard se perd dans le vide. Comment répondre à ça... ? La journée passe. Il ressasse. Inlassablement les mots et les idées se forment, il se demande si ce n'est pas un canular, pense un instant qu'il y a là une forme de folie, est-ce qu'on tente de le faire fuir ou bien se moque-t-on de lui. Et si non, que dire. Que faire. Il efface, reprend, écrit, recommence. Hésite, sur le ton à employer, les pensées à formuler. Doit-il être froid, rester distant, peut-il donner du crédit à tout ça, laisser le bénéfice du doute, se taire ou bien rassurer. Il laisse de côté. Verra dans la soirée. Plus tard. Jusqu'au soir où, à nouveau seul chez lui, sans rien ni personne pour lui tenir compagnie, Céleste recommence et écrit. Se relit plusieurs fois. Puis, lorsqu’il ne sait plus quoi faire d'autre, lorsqu'il a épuisé toutes ses excuses pour ne pas envoyer à son tour sa réponse, il clique. Puis va finir son roman avant d'aller se coucher.
20 janvier 2049 - 21 heures 03 Bonsoir Léandre, Navré pour ce 'cher' que j'aurais aimé vous retourner, mais qui me reste bloqué au bout des doigts. Pardonnez moi.
Après plusieurs tentatives de réponses qui ne me satisfaisaient aucunement, je reprends à nouveau pour tenter d'organiser ce message, ou tout du moins de procéder avec méthode. Je crois que cela reste un échec cela dit.
Tout d'abord sachez que je vous pardonne volontiers ce temps de silence puisque je sais maintenant ne pas en être (directement) la cause. Je dois avouer dans ces lignes, avoir eu peur qu'un geste, un mot ou une absence de mots (j'ai quelques soucis médicaux en ce moment qui me laisse silencieux parfois comme vous avez pu le voir), ait pu vous froisser. Ainsi donc rassuré, je vais tenter d'aborder la suite de votre courriel. Je ne vais pas vous cacher avoir été surpris par votre entrée en matière des plus originales pour une première conversation. Je ne sais pas si je dois vous remercier de vous être ainsi confié, mais je vous reconnais un beau courage pour avoir su tant vous dévoiler à un inconnu. Car malgré tout, c'est ce que je suis. Je n'ose imaginer dans quel étrange état vous avez dû vous trouver.
La pérennité de l'âme, la réincarnation. Voici un vaste thème que je ne pensais pas traiter en premier sujet de conversation. Je ne suis pas forcément à l'aise avec les monologues, même, et peut-être surtout, écrits et je pense préférer échanger directement. Il y a un enrichissement plus naturel qui se fait que de simples mots sur un écran ne peuvent retranscrire. Tout simplement, je ne saurais répondre par un simple « oui j'y crois » qui ne prend pas en compte la complexité de mon opinion, de ma croyance. Je vous répondrais simplement que, sans partager l’entièreté de votre sentiment qui se construit sur une expérience qui vous est propre et, de ce que j'ai compris, encore jeune, je comprends votre pensée et ne peux la rejeter. Ma vision de la vie, de nos vies et de ce qu'il y a ensuite, ou en l’occurrence avant, se rapproche dans une certaine mesure de ce que vous avancez. Aussi, bien que déconcerté par l'objet de votre mail, je ne peux qu'être intrigué par votre histoire, vos ressentis et vos impressions sur le sujet. Une curiosité sûrement malvenue, n'hésitez pas à me le dire.
Cela dit, je suis navré de participer, même indirectement, à votre sentiment de malaise et de vous replonger dans cette histoire qui vous perturbe. J'aurais préféré une rencontre des plus banales sûrement, qui ne vous rappelle en rien autant d'étrangeté. Mais je ne crois pas suffisamment au hasard pour me dire que cette rencontre en cet instant précis est totalement fortuite. Peut-être y a-t-il là quelque chose à saisir, une opportunité pour vous d'avancer ? Je vous fais part gauchement de toutes mes condoléances pour votre ami, je ne peux imaginer la difficulté et la douleur de votre deuil, surtout à un moment de si grand questionnement autour de vos sentiments. J'espère que vous avez pu trouver une épaule chaleureuse sur laquelle vous appuyer pour traverser cette perte et votre chagrin. La solitude est une bien triste et dangereuse amie dans ces moments-là. Voilà une bien triste note pour la fin, vous m'en voyez désolé. J'espère que vous pourrez passer outre votre regard sur ma personne et que nous pourrons faire connaissance plus sereinement à l'avenir. Passez une bonne soirée, j’attends de vos nouvelles.
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Mer 10 Avr - 20:45
La nuit a été courte. Saccadée entre rêves et réveils, crainte et impatience.
Les draps défaits et l’échine humide et froide par l’agitation, Léandre n’a pas réussi à trouver la profondeur du repos, s’est épuisé à se détendre, à mettre de côté les pensées et les angoisses ravivées par les mots trop longtemps retenus, maintenant balancés à un inconnu.
Il se fustige mentalement, regrette son courage, l'impudence de ses confessions et la rengaine tourne dans sa tête, monopolise son attention quand il se prépare devant son miroir, détourne sa concentration de ses dossiers au travail, fait que son regard, bien trop souvent, glisse vers son téléphone où rien ne s’affiche.
Neuf heure, midi, seize heure, vingt heure. L’autre ne répond pas et c’est à chaque fois une déception et une évidence, un soulagement étrange qui donne raison à son pressentiment.
L’autre l’a mal pris.
Léandre s’en convainc mais ne passe pas à autre chose et les heures sous l’attente s’étirent, retiennent leur secondes. La journée lui semble interminable, son travail ennuyant quand l’écran de son portable s’éclaire sous une notification. Celeste Francoeur
Montée d’anxiété. Son ventre et sa gorge se nouent d’appréhension. Son coeur s'accélère sous un pic d’adrénaline. Celeste a répondu et Léandre hésite, fixe le nom quelques secondes sans oser se saisir de son téléphone, inspire, se pince les lèvres, déverrouille d’un doigt son écran, clique sur sa messagerie, ouvre le courriel, lit une ligne, s'arrête, détourne le regard, craintif de ce qu’il n’a pas encore lu mais imagine. Les reproches, l’incompréhension, le dégoût. La haine de l’autre envers ce qu’il a osé confier.
L’Albatros change de mail, survole quelques phrases d’un contre-rendu d’audience et comme on se soustrait à la vue d’une plaie sans pouvoir totalement s’y détacher, revient sur le courriel précédent, évalue sa longueur sans le parcourir néanmoins.
Il a peur, viscéralement. Il est attiré par la réponse de l’autre qui sature de sa présence sa pensée. Il doit lire. C’est une nécessité. Celle d’avancer. De se confronter. ”Peut-être n’est ce pas si terrible…” Il essaye de s’en convaincre mais n’y croit pas, respire à pleins poumons, mord sa lèvre, se force à rester concentrer sur le courriel, le visage tendu, les dents serrées.
Il se lance et les mots l’absorbent, les phrases s'enchaînent, suite d’idées qui, dans l’esprit de l’Albatros qui lit sans le faire vraiment, ne trouve que la moitié de leur sens.
Il s'arrête à la fin du message, cligne des yeux, inspire, reste immobile, les sourcils légèrement froncé. Le mail n’est pas tel qu’il l’imaginait. Il n’y a en son sein ni dégoût, ni jugement. Juste… Il ne sait pas.
Léandre ne sait que penser, n’a pas tout saisi l’esprit en pilote automatique, trop anxieux pour vraiment réfléchir, trop sidéré pour être soulagé.
C’est inconfortable. Il ne s’attendait pas à ça, attrape le fond de whisky, l’avale, sort une cigarette qui allume et place machinalement entre ses lèvres, inspire quelques bouffées de tabac pour se recentrer. Entre ses doigts il laisse ensuite la clope se consumer doucement, l’oublie et relit une seconde fois le mail, se concentre davantage sur les mots et leur sens. La forme et le fond.
La plume de son interlocuteur est belle, sophistiquée, sobre car travaillée sans excès. Celeste n'émet aucun jugement à travers ses mots et s’il impose une distance certaine, polie, Léandre y lit aussi de l'intérêt, devine derrière les termes la bienveillance des âmes pieuses.
Il s'arrête, sourit doucement, rassuré et, son visage se détend. Devant les mots de Céleste, son anxiété se dilue, remplacée par autre chose, sentiment étrange et complexe d’euphorie irrationnelle et d’excitation légère et piquante. De gêne pudique aussi de ressentir tout cela pour si peu de choses et l’Albatros, de nouveau se mord la lèvre, différemment. Il est touché, tente de ne rien montrer, va se servir un thé brûlant pour contenir le flot de sa pensée, les bourgeons de réponses qui y écloses, anarchiques et précipitées.
Il a envie de répondre immédiatement mais prend le temps de bien faire, de se poser, de choisir un vinyle - Nocturnes, de Chopin- et quand la musique émerge du gramophone, ferme ses yeux, offre quelques minutes de concentration pure à l’opus 9 N°2, pianote sur son bureau la mélodie de ses doigts. C’est un exercice que Léandre a hérité de ses années de piano et qui l'apaise, l’aide à se concentrer, à saisir l’essentiel.
Il rouvre les paupières, allume une cigarette qu’il glisse entre ses levres, souffle sa fumée. Tout est calme, serein.
Il est prêt.
21 janvier 2049 - 00 heures 31
Cher Celeste, Aucune réciprocité ne vous est demandée alors ne vous excusez-pas si votre coeur vous retient d'écrire "cher" au début de nos courriers. Cela viendra peut-être au fur et à mesure de nos échanges si l'inconnu que je suis deviens connaissance puis ami. Je préfère par ailleurs votre sincérité et la droiture de votre esprit à l'hypocrisie d'un mot que la convention nous force à écrire.
Vis à vis de mon histoire personnelle, n'ayez crainte, votre curiosité n'est en rien malvenue. Tout cela m'est si étrange qu'échanger dessus avec un tiers permettra d'éclaircir mes idées et de trouver des pistes de réflexion que je n'ai pu déceler. Je suis donc tout à fait disposé à répondre à vos questions que cela soit à l'écrit (par sms pour des échanges plus succincts et dynamiques ou par mails comme cela est déjà le cas) ou à l'oral quand votre voix sera remise.
En échange, vu que vous semblez être sensible aux sujets liés à la pérennité des âmes, j'aimerais entendre plus en détail votre point de vue.
Si vous le permettez, j'aimerais aussi apprendre à vous connaître, à vous découvrir. Qu'est ce qui vous pousse chaque matin à vous lever? De quoi rêvez vous la nuit ? Qu'est ce qui vous fait pleurer, sourire, croire ? J'aimerais connaitre toutes ses choses intimes, qui peuvent paraître dérisoirement sentimentales mais qui constituent notre véritable portrait car si un métier ou un statut social nous définissent, ils ne sont qu'une apparence, celle que l'on livre comme une pâle carte de visite et que l'on aura tôt fait d'oublier.
Vous connaître m’est aussi essentiel car si vous me rappelez l'homme de mon rêve, vous ne l'êtes pas et je ne suis pas celui qui l'aima. Leurs vies ne sont pas les nôtres, notre rencontre et les liens qui en découleront les leurs. Comme vous, je ne peux pas croire au hasard néanmoins et avec le recul, j'y vois en effet une opportunité. Je crois que cette rencontre a été la volonté de quelque chose qui nous dépasse mais qui néanmoins ne nous contrôle pas car chacun est maître de soi-même et de ses choix.
Je vous souhaite une très belle soirée en espérant que la maladresse de mes mots ne vous arrachera pas aux bras de Morphée. Si tel est le cas néanmoins, je ne peux que vous conseiller les Nocturnes de Chopin qui, lors de la rédaction de ce message ont guidés mon cœur fou vers les chemins de la quiétude.
Cordialement,
Léandre Luissier
Céleste Francoeur
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Mer 10 Avr - 23:04
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La Galette du Cœur.
Le livre se dévore, inlassablement. Sans plus se poser de question sur l'étrange affaire dans laquelle il s'est maintenant mis, dans la curieuse histoire à laquelle il a accepté de se lier, Céleste enfile les pages, les images et les mots se mêlent, s’emmêlent, se délient. Il est à peine minuit lorsqu'il finit, le temps d'éteindre et le voilà au lit. Le voyant de son écran clignote bientôt. Notification qu'il ne voit pas. Et alors que l'heure avance, le sommeil le fuit. L'esprit trop agité de pensées éparses et pas assez de fatigue. Il pourrait se lever, s'habiller, sortir marcher. Parfois ça le prend. Cette nuit peut-être pas. A la place il rallume la lumière et sort de son lit. Un regard sur l'heure bien trop avancée qu'il ne pourra pas rattraper, mais si la nuit le veut éveillé il fera ainsi. Il se saisit de son portable, quitte la chaleur de son lit pour prendre place dans le fauteuil près de la fenêtre. Lance une playlist calme pour lui tenir compagnie et contemple ses insomnies. Celles qui parfois le gardent en lui. La petite lueur qui scintille fort par intermittence l'attire. Curieux, Céleste ouvre, voit l’expéditeur. Ça lui tire un sourire un peu endormi, au moins n'aura-t-il pas dix jours à attendre cette fois-ci. Il lit. Prend le temps de savourer la prose, toujours aussi impeccable que le premier mail. Prend le temps d'apprécier les efforts de vouloir le connaître, de se détacher un peu de cette histoire. Celle qui le perturbe, qui lui fait remonter au premier mail de cette discussion. Pour le relire, au creux de la nuit, Est-ce l'heure, est-ce le ton de la réponse, toujours est-il qu'il a moins peur, ou au moins est-il un peu rassuré de voir cet homme ne pas se moquer. Peut-être qu'il peut se livrer un peu, bien que cela ne sera pas une mince affaire. Continuer leur conversation sereinement parait finalement envisageable. D'un mouvement leste, il se lève, part dans sa collection de vinyles et parcourt rapidement les tranches usées de ses longs doigts. Céleste les connaît, les reconnaît, sait où ils se rangent dans l'immense étagère où ils dorment. Contre ses jambes il sent Ortie qui est venue lui tenir compagnie, et enfin il se saisit de celui qu'il cherchait. Chopin. Il revient, pose le disque sur la platine et doucement le son imparfait s'élève pour emplir sa chambre d'une lente mélodie. Parfait. Il reprend place, ouvre sa réponse et commence à écrire. Bute sur les mots, mais a moins de réticence à se lancer. Pour au final réussir à parler, un peu, de ce en quoi il croit, sans forcément entrer dans les détails. Avouer quelques doutes, quelques joies. Quelques mots par ci par là. Admet être curieux, mais veut rester assez détaché. Vie antérieur. A quel point cette expérience le touche lui, ou cela ne reste que propre à l'homme de l'autre coté de l'écran, malgré le lien qui semble s'être crée ? Il ne sait pas, ne sait pas surtout s'il veut des réponses. L'échange paraît être construit et plaisant, c'est bien tout ce qui l’intéresse. Une âme attrayante avec qui partager. Les mots filent. Il signe simplement de son prénom cette fois. Céleste relit. Écoute la nuit. Sous ses paupières closes le sommeil lui fait signe. Alors il envoi le message, se glisse sous ses draps et cette fois s’endort vite, bercé par les dernières notes de la mélodie.
21 janvier 2049 - 04 heures 18
Bonsoir Léandre, Bien que je ne sache pas si à cette heure un « Bonsoir » soit toujours approprié, ne prêtez d'ailleurs pas attention à cette horaire tardive je vous prie. J'ai mis Chopin à mes côtés pour m'accompagner comme vous me l'aviez proposé. C'est toujours d'une grande délicatesse, je ne m'en lasse pas, et cela me permet de vous découvrir un peu. Beaucoup de choses peuvent se percevoir par la musique que chacun écoute, mais je ne vous apprends rien n'est-ce pas. Pour tout vous avouer, peut-être aurais-je plus naturellement porté mon choix sur la Sonate Clair de Lune de Beethoven pour rester sur des thèmes nocturnes, dont les tonalités plus sombres et dramatiques sont parfaites pour une nuit avancée. Ou peut-être est-ce trop dramatiques justement, mais je m'égare. Notons tout de même notre goût commun pour cette musique et pour une certaine droiture de l'esprit, c'est un bon début.
Sur l'histoire qui nous préoccupe, j'aurais bien une question pour commencer. Vous dites avoir connu cet homme aujourd'hui disparu, dans une potentielle vie antérieure et vous me parlez de lui et de son histoire. Mais je suis curieux, en savez vous un peu sur votre 'vous' antérieur, sur son vécu, son identité, son être, son essence en dehors de sa tendresse pour cet homme ? Ou avez vous seulement perçu cette transmigration à travers le lien qui vous unit à lui, ce sentiment de déjà vu, de re-connaissance ? Mon avis sur ce thème est encore en construction. J'ai besoin de croire en un après, comme beaucoup d'entre nous, mais il y a là un certain Ego de l'être humain qui me gêne un peu. J'aime penser à l’existence d'un retour à la nature, d'un retour à l’Énergie qui nous habite, et celle-ci se fond dans un nouveau Tout dans lequel se construisent d'autres Âmes. Ce n'est là qu'un point de départ à mon questionnement qui ne cesse d'évoluer. Savez-vous que certains parlent de vieillesse de l’âme ? Cela correspondrait à une âme réincarnée de nombreuses fois, d'où une certain maturité de l'être, une certain 'vieillesse' avant l'heure de celui qui la porte à nouveau. Intriguant.
Il est tout à votre honneur de vouloir apprendre à nous connaître, sans passer par le biais et les a priori que vos rêves auraient pu vous laisser sur moi et sur nous. Sachez que j'apprécierais lire vos propres réponses à ces questions et que chacune posée risque de vous être retournée, vous voilà prévenu. J'ai la chance de faire un métier de passion, de lier ce qui donne un sens à mon existence à quelque chose d'aussi trivial que le travail. Beaucoup de ma vie tourne autour de la musique et du chant. Je pense qu'il y a dans l'Art et dans l'acte de Créer tout ce qui fait de moi un être humain, tout ce qui me fait dépasser ma simple condition de 'vivant' pour atteindre une conscience d'Être. Mais peut-être que tout cela est trop convenu et pas assez personnel, peut-être dois je répondre aussi que ma famille est la cause de mes joies et de mes peurs, du véritable amour que je peux donner sans réfléchir et sans rien attendre en retour. Je peux aussi répondre, avec une certaine honnêteté vis à vis de moi même que je vous partage ici, que je vis beaucoup au travers du regard des gens, de leur reconnaissance et même de leur affection. Il ne faut pas un long travail sur moi-même pour pouvoir présenter ici un de mes défauts, ou une de mes peurs, le besoin d'exister pour d'autres. Voici une confidence, j'espère pourtant ne pas tomber dans les travers du narcissisme. Allez savoir. A votre tour, parlez moi de vos rêves et de vos désirs, si cela peut se dire à un inconnu. De vos peurs aussi ? Qu'importe, si vous voulez rester sur des détails anodins il n'y a aucun problème, cela me va tout autant. Comment occupez-vous vos journées ?
Si je peux vous offrir un air d'accompagnement, prenez Vivaldi et Vedro con moi diletto qui, en plus d'être un bonheur à interpréter, est d'une légèreté qui berce les mots et les cœurs. Passez une bonne nuit, ou sûrement plus une bonne journée.
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Jeu 11 Avr - 17:33
Léandre lit une dernière fois le mail qu’il vient d’écrire, pince ses lèvres, concentré . Il doute bien que tout lui semble bon, décent. Il s’est appliqué dans son message, a choisi ses mots, ses formulations . Il a modéré sa pensée prolixe et il lui semble qu’il n’y a pas de demandes folles, de questions déplacées. Il espère tout du moins, hésite quelque peu sur sa légitimité à interroger son interlocuteur. A il le droit? N’est-il pas trop familier, intrusif ? Se livre-il trop, l’enthousiasme évident, étouffant?
Il souffle, tambourine de ses doigts son bureau, une anxiété légère au creux du ventre. La sérénité de la rédaction l’a quitté et face aux mots de l’autre, il se sent maladroit, comme un enfant, l’exprime à la fin de son message, clos son propos sur ce qui l’a guidé tout le long. Chopin.
Fait-il bien de terminer par cela ? Cela n’est-il pas trop intellectuel, comme la conclusion bancale d’une dissertation? Il ne sait pas, les codes de l’exercice lui échappe et il ne saurait décidément pas trancher, peu coutumier aux correspondances intimes.
Tant pis, il verra bien, envoie, éteint son ordinateur, s’excusera demain au besoin. Il est temps d’aller dormir et d’attendre, l’impatience ferré au coeur.
~~~~~oooOoOoOooo~~~~~
Celeste Francoeur - 04 heures 18. Premier mot vu au matin sur le téléphone toujours allumé. Premier sourire. Mou, pâteux, pas encore tout à fait alerte. Encore entre veille et éveil. Léandre referme les yeux une fraction de seconde, souffle longuement, baille, s’étire, grogne, attrape machinalement son portable et ouvre le courriel, le parcourt des yeux, fronce les sourcils sous la complexité de ce qui y est écrit. Trop.
Trop de mots, d’idées, de concepts. Trop compliqué, impossible avant le café.
Il laisse de côté, lira tout cela après même si la longueur du message et la rapidité de réponse de son interlocuteur pique son coeur d’une satisfaction qu’il n’arrive pas à définir, l’esprit encore brumeux, le corps lourd de sommeil.
Il n’a pas assez dormi entre la nuit d’hier et d’aujourd’hui et le ressent pleinement maintenant, verse plus de café dans son bol, rajoute un sucre, coupe une orange supplémentaire pour son jus. Il tente de se doper pour se réveiller, sent que la journée va être longue, pour des raisons néanmoins bien différente à celles de la veille. Il soupire, maussade, vaseux. Tant pis. Cela lui apprendra et il se couchera plus tôt ce soir. Il se le promet mais sait d’avance faillir à son engagement, devoir supporter le lendemain un énième réveil pénible, le corps épuisé des excès. Il sourit pour lui-même, doucement sarcastique. Il n’a plus vingt ans et se sent vieux de penser comme tel, se détourne des alarmes du corps et, difficilement, le portable à la main, entre deux gorgées, se reconcentre sur le mail, sent une allégresse et une curiosité légère le saisir alors qu’il en parcourt le contenu. Un sourire, délicat, s’esquisse sous les mots. Celeste écrit bien. Pense bien. Avec raffinement. C’est un plaisir de le lire, de l’observer se dévoiler par petites touches picturales, musicales.
Léandre referme le mail, consigne ses idées, se prépare, le coeur plus léger, l’esprit davantage éveillé. Le courrier lui a fait du bien, la prose semblable à un baume.
Dans l’intimité de son bureau de procureur, il enchaîne les heures, se focalise, décidé, sur son travail bien que l’envie de répondre ne le quitte jamais vraiment, lui donne envie de boucler ses occupations présentes pour pouvoir s’atteler à d’autres mots plus mélodieux, emplis de lui, de ceux qu’il veut partager à autrui.
Doux sourire et il est déjà midi. L'Albatros avale à la hâte son repas, s’octroie une pause coupable pour écrire les premières phrases de sa réponse, reprend le travail en retard sur son planning. Sans importance et dix huit heure arrive. Il quitte un bureau pour un autre, s’installe, étrangement affable, devant Elliot, se noie dans un rapport, bien présent physiquement alors que son esprit est partiellement ailleurs, tourné vers vingt-et-une heure.
Moins le quart. Elliot part. Léandre l’a encouragé à le quitter plus tôt, lui a conseillé la nocturne d’une expo. Il est seul à présent, laisse de côté les problèmes de l’association, se sert un thé, met sur son ordinateur “ Vedro con moi diletto “, se laisse bercer par le timbre clair de la voix., guidé sur le chemin des mots.
21 janvier 2049, 23h16
Cher Céleste, Vos nombreuses interrogations me ravissent et je vais tenter d’y répondre point par point en espérant ne pas nous perdre dans le flux des mots et des pensées car la difficulté de synthétisme est bien un de mes travers les plus remarquables.
Celui que je pense avoir été m'est apparu et m'apparaît toujours par des rêves fractionnés, comme des souvenirs. J'ai appris que cet homme (je ne peux vraiment considérer que nous ne faisons qu’un et donc employer la première personne) avait était juif lors de l'occupation et que ceux qu'il aimait avaient été déportés. Suite à leur mort, il avait tenté de mettre fin à ses jours, plongeant dans un état de conscience minimale étrange ressemblant à un long rêve.
Ce rêve est d’ailleurs le cadre des miens et l'endroit où “il” rencontra “Céleste”. Pour vous expliquer un peu mieux ce rêve, celui-ci prend la forme d'un village où des personnes arrivent avec une mémoire altérée et une difficulté qui leur est propre et les empêche de vivre pleinement. Chacun de ses citoyens est en réalité en état de conscience minimale suite à un accident ou, dans le cas de “moi-même” et de “Celeste”, suite à une tentative de suicide. Tous ensemble, ils forment ce grand rêve commun et interconnecté dont le but premier est de permettre à ses habitants d’aller au delà de leurs difficultés pour s'éveiller et reprendre le cours de leur vie malgré les épreuves à venir. C’est, tout du moins, ce qu”il” a expliqué à “Celeste”.
Après réflexion, cela m'est d’ailleurs apparu comme une sorte de lieu de seconde chance, de premier moment de guérison (celui nécessaire au cœur) pour ses âmes en léthargie. Une idée poétique et merveilleuse mais qui ne coïncide en rien avec nos connaissances scientifiques sur l'état de conscience minimale et la télépathie du rêve et la rend donc impossible, uniquement issu d'un rêve.
Mon esprit ne peut néanmoins pas croire à un simple rêve car il y a aussi la puissance de ces émotions qui m'éveillent la nuit profondément touché, le retour de ces sensations d'hier (celles dont je vous ai parlé dans mon premier message) et le fait que j'ai pu retrouver et prouver l'existence du garçon de mon rêve. Je vous envoie d'ailleurs ci-joint une photo le représentant à 17 ans que vous puissiez constater la ressemblance physique qui vous lie.
Pour revenir à des choses plus légères, quitter le mystique des songes et parler de moi et non d'un Autre, je vais essayer de dévoiler à mon tour celui que je suis, sûrement avec moins d'éloquence et d'élégance que vous avez pu le faire, j'en suis d'avance désolé.
Si vous êtes un Etre d’art, je suis un homme de foi et de loi, deux notions que j'essaye de concilier dans ma vie, entre privé et public, professionnel et personnel.
Professionnel car je suis jeune procureur de la Couronne en droit criminel. Je fais face chaque jour à la détresse, à la violence et à la laideur qu'engendre notre monde. C'est un métier dur, parfois insoutenable mais qui vous apprend sur l'humanité des nuances que l'on ne peut soupçonner, loin des évidences et des apparences. On peut voir dans un tribunal l'incompréhension, la haine, le regret, le pardon. C'est un métier qui vous apprend à toujours revoir le regard que vous avez sur autrui, à essayer de comprendre pour ne pas condamner un innocent, détruire d'autant plus une âme qui a blessé d'avoir été blessée.
Personnellement, car quand je quitte l'habit d'homme de loi, je suis avant tout un homme de foi qui n'a jamais cessé peut-être de croire en Dieu tout d'abord mais surtout en l'homme. Sûrement est ce mon prochain qui me permet de vivre, de posséder l'espoir quand je visite les prisons ou tend la main vers ceux que notre société à mis à son ban. Peut-être d'ailleurs m'avez vous sourire quand, lors de la galette, j'ai découvert notre action du 14 février prochain. Savoir que nous irions auprès des sans-abris m'a ravi car c'est une des plus belles expériences qu'un homme peut vivre et j'espère, si vous n'êtes pas déjà familier avec les maraudes, que j'arriverais à vous faire partager la beauté et l'humilité de ce moment.
Pour mes peurs, je ne peux que comprendre les vôtres car nous les partageons tous deux même si leurs expressions divergent. Si vous recherchez la reconnaissance dans les regards et votre Art, mon identité s’est construite sur la notion du Devoir et du Rôle et j’ai longtemps façonné et contraint tout mon être dans l'unique but de lire sur le visage de mon père et de mon entourage la fierté d’avoir érigé un bon petit soldat de plomb.
J’écris au passé car j’ai brisé toutes ces attentes en annulant un mariage avec une femme que je n’aimais pas pour avouer une sexualité qui m’a longtemps détruit et que j’ai décidé d'accueillir aujourd’hui. Dès cet instant, d’âme sainte, je suis passé à pestiféré, pédérastre que l’on salue aimablement un sourire crispé aux lèvres avant d’aller murmurer plus loin quelques suppositions dégoutés sur ce qu’ils imaginent de vous.
J’ai brisé alors ma peur et mon besoin le plus viscéral et je pense aujourd’hui être plus libre d’eux et vide de moi, perdu sans ses entraves .
C’est un mal terrible et étrange que de s’affranchir car les repères s’effondrent, que l’on doit penser par soi-même pour se construire. Il n’y a plus personne pour diriger, pour nous dire ce qui est “pour le mieux”. On vit pour soi même et cela à un côté terrifiant car il faut se découvrir.
C’est une chose que j’essaye actuellement, un exercice inconfortable qui éveille des peurs ancestrales de solitude et d’échecs et font que bien souvent j'arréte de penser à ce que je suis pour me perdre en autrui. Une fuite de soi vers l’autre, pour apprendre à travers leur regard.
Les aider pour s’aider. Si vous êtes le narcissique, je suis l'altruisme égoïste. Deux failles dans l’estime de soi.
Veuillez m’excuser de ces longues digressions, elles doivent vous semblez déprimantes mais les mots ont entrainés les mots et pour avoir menti assez longtemps sur moi-même, je n’aime pas à présent enjoliver une vérité qui ne l’est pas. Merci de m’avoir lu, écrire me fait du bien.
Ps : Vu que vous m’écriviez avoir interprété “Vedro con moi diletto”, je suis aller taper votre nom sur l’internet. Votre interprétation est d’une beauté et d’une puissance rare, d’une clarté transperçante. Peut-être doutez vous de vous, mais ne doutez jamais de votre art et de ce que vous y exprimez car votre chant est une prière au coeur qui écoute.
Cordialement,
Léandre
Céleste Francoeur
Mails : 32
Double-compte : Thomas Loiseau
Emploi/loisirs : Chanteur lyrique
$ : 438
Jeu 11 Avr - 21:36
ft. des gens
La Galette du Cœur.
Encore une journée, un peu trop en décalée. Parce que depuis un peu plus d'un mois maintenant il ne peut plus se focaliser sur son travail, se concentrer sur sa passion, vivre à son rythme. Obligé de changer de registre, sans le son, sans grande motivation. Se déphaser, voir les autres continuer leurs activités, pour sa part essayer de s'occuper. Ce matin est un matin sans grande conviction, pas maussade, mais un peu fade. Le manque de sommeil se fait sentir, Céleste a pourtant prévu de sortir. Voir son médecin, s’arrêter boire un café, rejoindre sa mère à midi qui, pour une fois, a un peu de temps à lui accorder. La conversation sera vide, le moment sera stérile. Mais on aura fait son devoir familial, chacun repartira de son coté. Et lui ira voir sa manager pour checker avec elle la suite potentielle. Quand ça ira mieux. Alors il se lève, paresseusement. Sort du lit, check les news de la nuit, son profil sur les réseaux, répond à quelques personnes et passe sous la douche. Pour ensuite prendre son thé et se préparer. La matinée se déroule sans accroche, le médecin ne lui fait aucun reproche. En bonne voie de guérison, c'est bon. Mais ce n'est toujours pas ça et il lui faut prendre patience. Ce n'est pas ce qui lui manque, de la patience. De quoi s'occuper par contre.. L’oisiveté est plaisante lorsqu'elle a une fin et n'est pas contrainte. Et mine de rien, ça fait une rentrée d'argent en moins. Alors oui, il a de quoi tenir le cap un bon moment, mais il ne faut pas exagérer. Entre sa grand-mère qu'il aide comme il peut et son train de vie qu'il ne veut pas sacrifier non plus, ce n'est pas idéal. Le nez en l'air, il avance et laisse ses pensées courir en tous sens, sans chercher à les garder bien rangées. Jusqu'à ce qu'il la voit, attendant sagement à l'entrée du restaurant, dans un tailleur impeccable mais pas couture. Il le voit à la ligne imprécise qui dessine son épaule et à l'ourlet trop visible sur le tweed de sa jupe. Mais il ne dit rien, car malgré tout cela lui va très bien et qu'elle se plaît ainsi. Que surtout, il ne peut pas lui demander de claquer son argent dans quelque chose d'aussi futile qu'une garde robe beaucoup trop snob. Mère. Une bise polie, courtoise. Les sujets arrivent comme les plats qui leurs sont servis, dans l'ordre et bien propres. Le temps, la santé, le travail, la famille. Elle n'est pas méchante, juste pas vraiment faite pour ça. Et ça leur va, il ne lui en veut pas et elle le sait, alors ils restent courtois, ils restent là, mais de loin. Comme deux chemins qui se sont un jour divisés, pour quelques fois se croiser. Au milieu des mots attendus, lorsque manger les fait se taire un peu, Céleste a une pensée pour le mail envoyé cette nuit, pour la réponse qu'il n'a pas encore reçue mais dont il ne doute pas que le contenu sera intéressant. Construit, agréable, instructif. Plus que cet instant là. Il se surprend un peu à avoir hâte de le connaître mieux, ce Léandre à l'autre bout du clavier. Répond tranquillement à sa mère d'un signe de tête, relance la conversation, laisse fleurir dans sa tête des questions pour un autre. Les quelques verres et le dessert chassent la fraîcheur de leur repas. Ils finissent même part rire, un peu, se dévoiler mieux. Elle lui parle d'un projet qui n'est pas professionnel. C'est hésitant, imparfait, mais plaisant de la voir se projeter ailleurs. Il sourit, lève un toast à sa réussite. Et là dessus, elle l'invite, ils se quittent. Lui file rejoindre sa manager pour leur rencontre. Elle court à l'autre bout de la ville pour une réunion. Et le reste suit son cours, rien à relever dans tous ces discours. Céleste hoche la tête, suit le planning, apporte des modifications, s'inquiète, s’agace, rit un bon coup, taquine la femme qui encadre sa carrière, la salut et se retrouve dans la rue. A ne pas savoir quoi faire d'autre pour combler le vide qu'il essaye de fuir. Aucun nouveau message sur lequel se concentrer, aucun inconnu à découvrir. Alors il rentre, met l’androïde à recharger, câline Ortie et lance une série qui l'occupe quelques heures, avant que la nuit ne le rattrape. La dernière était trop courte, celle là le cueille plus tôt. Il plonge avec Morphée et laisse le temps s'étirer.
Nouveau message. Sa mère, qui lui dit que tout va bien, qu'elle a été très heureuse d'avoir passé du temps avec lui la veille. Qu'elle n'est pas très dispo le mois qui arrive, mais qu'elle l'embrasse. Il fait de même. Ouvre le mail qui lui fait de l’œil et prend le temps de le lire. De le comprendre. De l'apprécier. Au dessus de son thé, il fronce les sourcils, sourit, se mord la lèvre lorsque des mots le dérangent, renverse une partie de sa tasse sur la table quand sa chatte lui saute sur les genoux et que ce qu'il tient lui échappe. Céleste reprend sa lecture une fois que tout est sûr. Et laisse ensuite le message de côté, le temps de réfléchir. Pas forcément à sa réponse, mais plutôt à l'histoire offerte, au profil dévoilé petit à petit par l'homme. Il prend aussi un peu de recul, parce que certains thèmes sont abordés dans des termes qui le crispe, au mieux. Qui réveille une colère latente, au pire. Pas dirigée envers Léandre, mais envers tous ceux qui leur font subir les pires outrages pour une bienséance périmée de leurs pensées atrophiées. Il souffle, prend son écran et ouvre une nouvelle réponse. Et revient point par point, pour être certain de ne rien oublier, de ne rien laisser passer d'important. Prend le temps de détailler ce qui compte, sourit en coin en osant poser une phrase taquine, la laisse rapidement de côté pour ne pas embarrasser de trop son destinataire, reprend la conversation. Éloge d'un être droit dont on pardonne les faiblesses, Céleste est sincère. Se confie un peu. En arrive sur le sujet qui le fait s'emporter. Ça se ressent, alors il efface, reprend, ne réussit pas à effacer ses émois et cède. Pour s’arrêter net ensuite, signer et envoyer dans la foulée. Et garder pour lui les compliments qui font chaud au cœur, ceux qui sont donnés sans rien attendre, de la part d'un inconnu plus si étranger. Et ainsi commence sa journée.
22 janvier 2049, 10h55 Bonjour Léandre, Vous avez là une bien belle capacité à vous confier sans faux-semblants que j'admire. Je crains de ne pas être capable de m’épancher autant, vous allez devoir faire preuve d'un peu de patience.
J'ai dû relire plusieurs fois vos mots, car ils impliquent plusieurs idées et tellement plus encore. C'est une folle histoire que vous présentez ici, qui satisfait nullement ma curiosité puisque chaque réponse apporte son lot de réflexions et de nouvelles questions. Je pense néanmoins m’arrêter là sur le sujet... Quoique, voir ce visage me perturbe grandement, savoir qu'il a existé et que nous avons aussi notre nom en commun me bouleverse. Connaissez-vous le terme de métensomatose ? On parle ici d'une croyance selon laquelle le corps se réincarne dans un autre corps, avec des caractéristiques de l'ancien (et non pas de métempsychose où c'est l'âme qui se réincarnerait dans un autre corps). Bref, voilà quelques mots savants sans fondement que je ne pose ici que pour tenter de cacher mon émoi et de rationaliser quelque peu tout cela. Puis-je tout de même aborder ce qui me fascine et m'angoisse par la même occasion, et vous demander les raisons de son suicide ? Il y a là une curiosité assez malsaine, puisque je fais malgré tout le lien entre lui et moi. Même si cela ne reste peut-être qu'un étrange concours de circonstances auquel nous n'y croyons pas vraiment. Qu'importe.
Vous êtes quelqu'un d’étonnant, vous avez trouvé avec toute cette histoire une manière bien originale de troubler un homme. Je vous taquine, navré. Il est plus facile pour moi de jouer ce genre de jeu pour revenir à des choses plus légères comme vous le dites. Et ne doutez pas de votre éloquence ni de votre élégance, vos mots en sont emplis.
Votre profession est des plus dignes, je vous admire là encore. Votre regard sur votre métier ainsi que votre noblesse d'âme témoignent de votre grande maturité. Vous voilà avec d'importantes responsabilités et votre dévouement est tout à votre honneur. Je ne peux m'imaginer à votre place, je serais bien incapable de prendre autant de recul pour rester impartial. Et le pardon est un acte d'une grande beauté, pas toujours facile à donner. Dans ces conditions plus encore. De là à faire le lien avec votre Foi, il n'y a qu'un pas aisé à franchir. Vous avez de belles qualités, une fois encore vous avez toute mon admiration. Et si croire en Dieu est une chose, croire en l'Homme une autre. Sûrement plus difficile, je trouve. Je suis assez cynique sur mes semblables, vous m'en voyez désolé. Vous allez donc devoir me guider le 14, je serais ravi de voir cette journée au travers votre regard. Et votre sourire était plaisant à cet instant, n'hésitez pas à le partager encore.
En effet, il y a dans vos peurs un écho aux miennes, mais j'ai la chance d'avoir une famille qui me soutient et sur laquelle m'appuyer, je n'ai donc rien eu besoin de faire éclater autour de moi, et je n'ai pas d'amour à chercher auprès des miens puisqu'il m'est déjà acquis. J'espère que vous avez pu approcher autour de vous des personnes qui peuvent vous l'offrir sans rien attendre en retour et ainsi avoir des soutiens dans votre quête, le chemin qui mène à Soi est jonché d’embûches. Soyez fort, offrez vous le droit d'être faible et de flancher, n'éloignez pas vos amis, apprenez aussi à vous connaître vous, prendre soin de vous. Égoïstement dans un premier temps peut-être, mais vous verrez ensuite que vous connaître, vos forces, vos joies, vos peines, vos faiblesses, tout cela ne peut que vous permettre de mieux donner. Je me fais ici l'âme d'un donneur de leçons, j'en suis désolé, surtout qu'il est plus facile à dire qu'à faire, et je suis certain que mes quelques mots ne sont qu'une redite. Pour mettre en parallèle avec mon activité, ce n'est qu'en apprenant à me connaître, à ressentir et à travailler sur mes émotions, mes sensations, que je peux offrir maintenant un chant un minimum intéressant, qui va pouvoir toucher ceux qui l'entendent. Merci d'ailleurs pour votre curiosité et vos compliments, cela fait toujours un bien fou de lire que mon travail plaît. Merci encore.
Je reviens sur ce sujet, parce que vous l'avez abordé plusieurs fois en des termes qui me chagrine. Ne vous laissez pas atteindre par le jugement sur vos préférences sexuelles par une minorité bien pensante de gens incapables de se mêler de leurs propres affaires sans dénigrer d'autres vies car la leur est insignifiante d’ennuis et qu'ils ont besoin de relever de potentiels torts ailleurs pour ne pas avoir à se confronter à la médiocrité de leur quotidien. Cela ne les regarde en rien, ne les concerne en rien, ne touche en rien à leur cul. Pardonnez mon langage, mais j'exècre ce genre de personnes qui parlent forts pour ne raviver que de la haine, face à des gens emplis d'amour et de respect qui ne souhaitent que vivre leur vie calmement sans subir des préjugés hargneux et sans fondement d'individus non concernés. Heureusement, ils sont de moins en moins. Cela ne les empêche pas de faire du mal, ni de crier moins fort à l'outrage, mais au moins leurs coups se perdent dans un monde plus tolérant. Petit à petit. Ne vous excusez pas d'être, ne vous oubliez pas, ne vous cachez pas. Ne. Vous. Reniez. Pas. S'il vous plaît. Il n'y a rien de pire que de se taire, de taire son Amour et son Etre, pour correspondre à une case correcte, pour correspondre aux attentes d'autres qui vous empêches simplement d'être heureux. D'être tout court.
Bref, je m'emporte, alors je vais m’arrêter là pour aujourd'hui. Je vous souhaite une bonne journée, Cordialement, Céleste.
Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
- Très anxieux. Lévres en piteux état, fume.
- prêt à tout pour être enfin reconnu et aimé par sa famille
- incapable d'aimer autrui et soi-même
- conservateur trés croyant
- pense que les androides sont des créatures déviantes
- belle âme au fond qui attend son envol
- homosexuel refoulé
- espére un jour être soigné
- attiré par Antoine Dastre
Souffle. De soulagement, de contentement, de fatigue. Il est tôt, même pas minuit et Léandre, épuisé, laisse le temps à l’attente, s’en va rejoindre les bras de Morphée, abandonne son esprit aux rêves qui, semblables à la partition d’une composition, se parent de tant d’images différentes. Il rêve de chants sacrés, d’illusions poétiques, de sillage de fumée, de mots écrits qui éclosent sur les lèvres, qu’il perçoit par l’oreille et non la vue; de gestes tendres, de mains tendues, de sourires de grâce qu’il offre et accueille. C’est un rêve beau et doux dans la langueur et face à la caresses des sens, le sentiment qui habite l’Albatros est celui d’une nostalgie diffuse, d’une tristesse sereine, ôde et deuils aux amour éteints, aux espoirs que l’on sait soufflées avant d’avoir pu irradiées.
Une larme s’est formée au coin de chacun de ses yeux quand Léandre s'extrait du carcan trop prégnant du rêve et hors au songe, l’Albatros sent la violence de l'absence sur son âme, cherche son portable à tâton, à la recherche d’une réponse, d’une pensée qu’on lui a laissé dans la nuit pour le réconforter, l’accompagner lors de cet instant de terrible solitude .
Il déverrouille son écran et un sourire pâle se peint sur ses lèvres, son coeur se serre, à peine. Rien. Sa messagerie est vide. Celeste n’a pas répondu dans la nuit, comme il l’avait fait les jours précédents. Sa journée ne commencera pas par la beauté des mots. Cela ne le surprend pas. Léandre s’en était douté par raison avec l’espoir et la déraison de se tromper.
Il referme les yeux un instant, inspire, rationalise sa pensée, chasse l’émotion. Il doit apprendre à être plus patient, à ne pas s’attacher trop vite aux êtres qui le portent, à prendre les choses pour acquises. Il n’y a ni engagement, ni habitude. Céleste ne lui doit rien.
Il essaye de s’en convaincre et ce qu’il s’ordonne à lui-même fait grandir en son esprit le poids de l’isolement. Il est seul, replié sur lui-même car même si Céleste lui écrit et que Neliya est présente chaque jour, Antoine n’est pas là, à ses côtés. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.
Ses dents se serrent, le coeur à la renverse et il se lève, appuie sur le bouton de la machine à café, met “ Vedrò con mio diletto“ sur les enceintes, stoppe son activité pour se laisser imprégner par l’intensité et la pureté de la voix. Immobile, tout à la contemplation, il repense aux paroles du livret qu’il a lu hier sur internet, imagine la scène que raconte la pièce, cet instant où son héro part pour le champ de bataille et songe une dernière fois à celle qu’il aime, incertain de pouvoir la revoir. C’est un chant de séparation et d’adieu, une litanie d’amour tragique et intime qui rappelle l’Albatros au rêve, ranime son émotion, met des mots sur les maux.
“Je retrouverai avec joie L'âme de mon âme, Le coeur de mon coeur, Enivré de félicité.
Et si de l'être cher Il me faut être éloigné Je soupirerai chacune des secondes Qui m'abîment.”
Léandre frisonne, mord sa lèvre, arrête nerveusement la musique, essuie d’un mouvement vif les larmes ayant perlés à son regard.
Ne plus y penser
Souffle. Il finit de se préparer, quitte le petit appartement et maussade, se rend au palais de justice, enfile sa robe, pénètre dans le tribunal et s'assoit. Son visage est neutre. Il a fait fi de son humeur pour l’exercice de son métier. Il est dix heure. L’audience du jour commence. Elle est malaisante, inhabituelle car les cas comme celui-ci sont rares. C’est le premier sur lequel Léandre travaille depuis qu’il a commencé son travail de procureur il y a de cela cinq ans et l’affaire à juger lui fait serrer sa mâchoire de crispation, fait germer dans son coeur le dégoût et la colère, la haine sourde .
Il ne montre rien néanmoins et face au visage lisse du juge, il présente ses preuves, prouve la culpabilités de ceux qu’il incrimine .
Derrière lui, sur le banc des accusés, un homme et une femme restent muets. Dans leurs habits propres, repassés mais démodés, ils ont l’air perdus, comme inconscients de ce qu’il se passe réellement. Ce sont des gens simples, mariés depuis vingt-sept ans, discrets, qui n’ont jamais posé de problème. L’épouse, cinquante ans est femme au foyer. Le mari, cinquante-trois ans, employé de mairie. Ils ont acheté une petite maison avec jardinet en périphérie de Montréal il y a quinze ans. Le logis, bien qu’exigüe, a toujours été très soigné. Il n’y avait jamais eu aucun bruit le soir, aucun cri en journée. Un couple ordinaire et terne et aucun môme pour l'égailler.
C’est ce que disaient les voisins avant d’apprendre la vérité : Il y a toujours eu un enfant, un gosse différent qui n’a pas eu sa place dans le livret de famille et que les parents ont laissé grandir dans une cave insonorisée.
”On avait peur pour lui. Que les gens ne l’acceptent pas... c’était notre enfant néanmoins, on a pas pu l’abandonner. On a acheté la maison pour le cacher. Ma femme s’en occupait bien. ” Voici ce qu’avait avoué Monsieur Leroy lors de l’audience.
”Jamais j’aurais pensé qu’il se suiciderait. J’l’aimais mon fils. J’t’ai une bonne mère…[...] Mon mari et moi, on a pas su quoi faire quand on l’a retrouvé mort. Ca allait s’apprendre. Les docteurs risquaient d’lui faire du mal. D’lui ouvrir corps et d’nous l’enlever. On a paniqué.
Ils l’ont enterré en forêt. A cinquante kilomètres de chez eux. Un promeneur a retrouvé le corps et l’enquête a commencé. Elle a pris des mois avant d’aboutir. C’est la femme, un jour, qui est venu avouer. Elle ne supportait plus tout ce que les médias disaient sur son garçon. Elle a tout reconnu et son aveu n’a fait qu’empirer les choses. Le Quebec entier s’est levé sous la révélation. Elle et son mari sont devenu le couple le plus détesté du pays et chacun clame aujourd’hui : ”Ce sont des fous, des tueurs d’enfants.”
Léandre l’a pensé aussi fut un temps mais son avis s’est nuancé à force d’étudier le dossier. La femme est fragile, malade, influençable. Elle ne s’est jamais remis du déni de grossesse qui lui a amené cet enfant. Elle a été manipulée par son mari. Elle a été jugée non-responsable par le corps médical et doit être suivie en institut psychiatrique. L’Albatros le clame. Il clame aussi dans son chef d’accusation le crime qu’est le fait même de ne pas déclarer, de séquestrer et de maltraiter un autre être humain, mineur de surcroit .
Il se tait quand la parole est à l’avocat de la défense, opine légèrement du chef face à la défense positive de l’homme envers l’épouse, crispe son poings quand l’avocat argue en défense pour le mari la difficulté d’assumer un fil handicapé. Ce n’est pas un argument recevable pour Léandre car la souffrance d’un enfant ne doit pas être accepté pour éviter celle d’un parent . Il le sait pour avoir subi le traitement imposé par ses parents pour soigner son homosexualité.
Il contre-argumente, pense à l’enfant qui s’est pendu, à cette vie que l’on a brisé par convenance et peur des qu’en dit-on.
Les plaidoiries se répondent et quand celles-ci se finissent et que la salle est vidée, la délibération des jurés commence.
Temps de pause.
Léandre sort son portable laissé en silencieux, voit la notification de réponse qu’il attendait dans la nuit. Il ouvre le message, lit ses lignes et sur son visage austère et tiré se détend, ses lèvres s’ourlent d’un sourire fatigué mais sincère, attristé. Celeste le perçoit comme un homme qu’il n’est pas. Impartial. Miséricordieux . L’Albatros tente seulement de l’être alors que si souvent, comme aujourd’hui, au fond de son coeur, gronde le dégoût et la haine. Il soupire, écrit les premières phrases de réponse pendant l’attente. Certains mots posés lui font mal, serrent son ventre de l’intensité de l’émotion car ce qu’ils y expriment est trop actuel, présent en l’instant.
Souffle. Le procès reprend. Le verdict tombe. Le couple est coupable. Vient maintenant les présentations sur la peine. Léandre demande une peine lourde pour l’homme et que la femme soit admise dans un centre psychiatrique. L’avocat de la défense s’accorde sur ses propos. Le juge accepte. Le procés se clot sous les larmes de la femme assise sur le banc des accusés. Dès l’instant où cet enfant a trouvé la mort, leur vie était détruite à tout jamais. L’Albatros n’a fait qu’appliquer la loi du code criminel.
Souffle. Des mains se serrent, des journalistes demandent son avis à la sortie du tribunal. Il répond de façon invasive, rentre dans son bureau, retire sa robe de magistrat, se sert un café à la machine, allume son ordinateur, se pose devant sa réponse . La journée, pour lui, est terminée.
22 janvier 2049, 17h02
Cher Céleste,
Si je parle sans fard ni pudeur , sachez que chacun possède un rythme et une capacité différente à s'ouvrir qu’il est nécessaire d’écouter pour être en phase avec soi-même et autrui. Pour cela, prenez le temps nécessaire qu'il vous faudra et je me verrais honoré et touché de vos mots si l’envie vous vient un jour de me les livrer comme on les livre à un confident ou à un ami.
Je suis heureux par ailleurs que mes paroles aient pu vous atteindre d’une quelconque façon même si cela passe par le trouble d’un coeur. J’espère néanmoins que mes mots auront à l’avenir un écho plus doux en vous.
La notion de métensomatose m’est familière grâce à mes recherches est peut-être est-ce cela, peut-être est-ce plus, je ne saurais vous le dire car je ne connais que peu ce garçon et vous connais d’autant moins. Vous seriez le plus à même de me le dire. Je sais néanmoins que je partage avec celui que “je fus hier”, cette âme et ce coeur en “si mineur” si vous me permettez l’expression musicale. Je le ressens intensément, viscéralement, comme si le temps n’avait pu effacer la pureté et la violence des émotions.
Pour “Celeste”, il “m’”a raconté avoir eu le haut du visage défiguré à l’acide suite à la vengeance d’un amant de passage. Il était à un âge où sa jeunesse, son insouciance et sa beauté étaient les étendards de sa liberté. Il n’a pas supporté en être arrachés et a préféré la mort à ce qu’il pensait être la laideur. C’était pourtant une belle personne sous le loup qu’il portait toujours dans l’espoir de cacher ses plaies, que celles-ci soient physiques ou mentales.
Ces réponses données, quittons à présent un passé supposé pour votre présent. Vous vous déclarez cynique mais le cynisme n’est pas en mon sens une absence de foi mais l’expression d’une faille dans sa foi. C’est un jeu de masque pour se protéger des autres,du monde et des désillusions, un fatalisme au malheur. Un homme est cynique non parce qu’il ne croit plus mais parce qu’il a peur de croire et de souffrir aussi intensément qu’il a cru et aimé . Je vois cela ainsi tout du moins et j’ai décidé pour cela de croire, de vivre pleinement peu importe ce que la vie me réservera.
D’autre part, vous parlez de l’impartialité de mon travail mais croyez-vous sincèrement qu’un homme peut l’être profondément, dans l’intimité de son esprit ? Quand je prouve la culpabilité d’un accusé , je me dois d’être objectif, de taire l’émotif pour ne me baser que sur la rationalité des faits. Je dois ne laisser rien paraître, être neutre. Ce n’est pas la réalité. Ce n’est qu’une apparence.
Parfois la colère, le dégoût, la détresse, la peur m’habitent. Je cauchemarde la nuit de ses violeurs, de ses assassins, de ces personnes que l’on a laissé de côté, de l’injustice de ce monde . J’ai alors l’envie de crier, de détruire, de pleurer. D’anéantir.
Je ne suis pas un saint ni un idéaliste mais je suis un homme qui a décidé d’étouffer en son coeur sa haine, sa colère, sa détresse pour la transformer en hargne de croire, d’aimer, de pardonner. Comme votre cynisme est votre bouclier, ma foi est mon glaive, mon feu sacré qui un jour, je le sais, entièrement me consumera car mieux faut mourir en mon sens à bout de souffle que sans jamais avoir pleinement respiré.
Cela peut paraître un peu extrême, je vous le concède mais comme vous m’avez demandé de ne jamais taire ce que je suis pour me conformer à une norme, je ne puis que vous conseiller d’un jour ouvrir les portes de vos citadelles et de laisser l’extérieur venir à vous. Vous semblez être quelqu’un de sensible alors, surement serez-vous d’abord aveuglé par ses lumières et ses clairs-obscurs mais n’ayez pas peur et avancez, laissez-vous cette chance de croire et d’éprouver, d’être touché par la vie comme on peut l’être d’un tableau, du Verbe ou d’un chant.
Je m'élance à mon tour dans la passion des idées et en retour, n’hésitez pas à vous emporter, à parler avec votre coeur car vos mots, l’ardeur qui les habitent vous élèvent. C’est agréable et j’apprécie les gens qui s’expriment pleinement sans peur de heurter. C’est une très belle qualité, essentielle.
Une douce soirée à vous, vous lire est un plaisir, une vérité qu’il est toujours bon de se remémorer car nous oublions souvent l’essentiel.
Cordialement,
Léandre
Ps : J’espère que votre voix va mieux et il me tarde de pouvoir venir assister à un de vos récitals, les enregistrements me ravissant déjà.
Céleste Francoeur
Mails : 32
Double-compte : Thomas Loiseau
Emploi/loisirs : Chanteur lyrique
$ : 438
Dim 5 Mai - 21:38
ft. des gens
La Galette du Cœur.
Le mail ne tarde pas. Arrive dans la journée, fait vibrer son portable au fond de sa poche. Mais Céleste ne le sentira pas. Trop occupé. Ne l'ouvrira pas non plus lorsqu'il le verra. Trop préoccupé. La journée avait bien débutée. Puis tout s'est enchaîné. Bien trop rapidement. Un appel, la voix de sa sœur qui se brise, lui qui traverse sa maison en courant, prend quelques affaires rapidement et se précipite dans sa voiture. Sans musique, sans autre bruit que celui de son cœur qui bat trop fort, trop vite, et bon dieu que les gens n'avancent pas et pourquoi il y a un feu là et c'est quoi ces limitations et les piétons qui ne savent pas traverser et damn it ils ont juste tous décidé de le faire chier ou bien ? Il claque la portière, s'avance rapidement, se présente à l’accueil et on lui montre la salle dans laquelle il peut patienter. On reviendra vers lui avec plus d'informations dès que possible. Et non, il ne peut pas voir sa grand-mère tout de suite, elle se repose et ne peut recevoir de visite. Même de sa famille. Désolé. Alors il attend. S'assoit, laisse son livre ouvert à la même page sur ses genoux. Il voudrait simplement être près d'elle, pouvoir la prendre dans ses bras, ne pas la laisser seule et lui promettre que ça ira mieux. Mais il ne peut pas. Impuissant. Il attend. Lève les yeux plein d'espoir à chaque mouvement, laisse ses angoisses s'afficher un peu plus à chaque fois. Jusqu'à ce qu'on l'appelle. Quelques minutes, quelques heures plus tard, il ne sait pas, qu'importe. Le livre est refermé précipitamment, ses mains tremblantes le laissent tomber dans son sac, sans plus de cérémonie, et Céleste s'avance. On l'accompagne, à travers les étages. On lui parle, des mots compliqués, de résultats, de tests, de traitements et de risques. Lui se contente de hocher la tête de temps en temps, ses mains serrées autours de son manteau qu'il a retiré. Regarde au loin, les numéros des chambres qui passent, laisse le silence se faire lorsqu’il n'y a plus grand chose à dire. Et il doute, souffle, pousse doucement la porte claire qui s'ouvre silencieusement sur sa grand-mère. Seule, bien trop blanche, assortie à tout le reste ici, perdue dans les draps immaculés où se confondent ses longs cheveux fins. Elle a un sourire fatiguée en le voyant. Il tente de le lui retourner, cela ne trompe personne. La femme qui l'a amené ici les laisse seuls et il s'avance, perdu à son tour tel un enfant, regardant partout sans rien voir d'autre que cette femme qu'il aime tant, qui souffre seule ici. Il tire une chaise près du lit, s'y assoit sans prestance et laisse tomber ce qu'il tient à ses pieds pour prendre délicatement entre ses doigts ceux précieux et plissés par la vie de sa mamie. Il voudrait les serrer fort, à peur de faire mal, laisse sa grand-mère lui caresser les phalanges et il sourit enfin. C'est doux, un peu triste, mais cela leur fait du bien. Des mots sont échangés. Ceux qui disent tout sauf le plus grave.
Nastasie les rejoint dans la soirée, après son travail et tous les trois ils refont le monde, comme lorsqu'ils étaient enfants, comme avant. Il y a quelques rires, des sourires, quelques larmes qu'on fait semblant de ne pas voir, un fou rire qui les laisse fatigués. Et malgré l'heure qui passe, ils ne veulent se séparer, pour laisser la place aux peurs et à la réalité, celle qu'ils tiennent un peu éloigné avec leur chaleur. Mais il faut bien y aller. Alors Céleste se relève, lâche cette main avec tristesse, embrasse le front de sa grand-mère, attend Nastasie qui fait de même et, sa sœur accrochée à son bras, ils sortent sans un mot. Ce n'est qu'une fois dans sa voiture, alors qu'il la ramène chez elle, qu'ils osent quelques phrases. Des tests qui sont mauvais, un traitement plus agressif à faire, mais des risques plus élevés parce que son âge est avancé. Ils n'aiment pas ça. Ne pas savoir quoi faire, ne rien pouvoir faire surtout. Et comme Nastasie ne peut pas laisser son travail de côté et qu'il est hors de question pour l'un comme pour l'autre de la laisser seule, Céleste propose de passer les prochains jours en sa compagnie, Nastasie les rejoindra le soir. Comme cela MamieCoeur ne sera pas seule, face à ses peurs et ses combats, comme cela ils l'accompagneront, ils feront en sorte que tout aille au mieux avant. Avant de lancer le combat, avant d'avoir les premiers résultats. Qu'importe, si lui le soir il broie du noir et calme seul ses angoisses, parce qu'il se dit que ce que sa mamie ressent doit être pire, qu'importe s'il tait ses pleurs pour le moment, cela ne sert à rien de les faire porter à sa sœur, ni à personne. Parce que si ça se trouve ils s'inquiètent pour rien et tout se passera bien.
Tout va bien se passer. Il en est persuadé.
Les jours passent étrangement. Il en oublie un peu le temps, un peu le sens des réalité. C'est une bulle, fragile, un temps suspendu dans le vide. Il se lève tôt, s'occupe, perd du temps comme il peut avant de rejoindre la clinique. Avec des livres, des films, de la musiques, parfois des photos ou rien et ils discutent, se taisent, mangent un peu, rient et se confient. Des messes-basses et confessions plus ou moins heureuses, honteuses, qui ramènent les souvenirs et les sourires, quelques rougeurs et sa grand-mère se moque de lui. Avec du recul, il serait incapable de résumer ces journées pleines de vie et d'eux, et ses nuits pleines de creux, vide de tout sauf de lui et de ses pensées. Il alterne, ne vit les quelques jours que pour et à travers sa grand-mère. Il lui doit au moins ça, à elle qui a tant fait pour eux. Et Nastasie ramène sa fraîcheur et ses histoires improbables le soir, avant qu'il ne les quitte pour rejoindre son chez lui. Absent de sa vie. En suspend. En attendant de lancer le traitement et d'avoir les premiers résultats. Ses mails s'entassent, il disparaît des réseaux. Laisse le monde tourner loin de lui. Sans lui. Jusqu'au premier jour de traitement, celui décisif, qui amène avec lui une réponse. Qui peut leur donner tellement d'espoir ou emporter avec lui tous les sourires qu'ils ont posés comme des pansements sur leurs cœurs. Il est terrible ce jour. Surtout qu'ils ne peuvent voir leur grand-mère. Il y a sa sœur sur son épaule qui ferme les yeux, semblant chercher un sommeil qui la quitte mais qui profite de sa chaleur. Il y a lui affalé dans son siège, les yeux levés vers un ciel qu'il ne voit pas, le plafond terne formé de pleins de carrés lui bloque la vue. Il les a compté. Trois fois. Pour être certain de ne pas se tromper. Et il se demande si les morceaux dans les coins peuvent en former un qu'il doit prendre en compte ou si ça fausse ses calculs. Il se perd dans des spéculations ridicules. Et finalement, on s'avance vers eux, il redresse sa sœur d'un coup d'épaule et elle est plus vive que lui lorsque la réponse se fait. Oui, ils peuvent traiter, elle réagit positivement, et si rien n'est gagné il y a le droit d'avoir un peu d'espoir. Soulagement. Nastasie lui broie la main. Oui alors c'est lui. Elle le remmène, le soir tombe à peine, il lui propose de dîner cher lui, ce qu'ils font tôt, accompagne le tout d'un verre ou deux. Et lorsqu'elle part, Céleste respire, enfin. Plus serein. Se reconnecte à son monde, prend son chat dans ses bras pour la câliner contre son nez. Et il sourit comme un enfant dans sa fourrure, expire son soulagement dans ses ronronnements. L'idée de se faire couler un bain est tentante, il check ses mails en attendant que la baignoire se remplisse. Un air doux, vieux tube français qui joue sur son tourne-disque, envahit son chez-lui lorsqu'il se glisse dans l'eau chaude, laissant la tranquillité du moment apaiser tous ses sens. Il a une réponse à faire ce soir, après autant de temps dans le silence, il lui faut bien ouvrir ce message et y réponde enfin. Ce serait la moindre des choses et il a besoin de compagnie ce soir, d'une manière ou d'une autre. De mots, d'un lien. Il espère. Ou alors, s'il n'a pas de réponse, peut-être qu'il sortira, plus tard, s’oublier dans la ville noire de nuit, trouver un peu de chaleur quelque part. Lentement, il sort de l'eau, se sèche et enfile sa robe de chambre, celle qui fait un cocon de douceur autour de lui, se sert un nouveau verre de whisky et prend place dans le fauteuil près de sa musique. Son doigts passe sur l'écran, ouvre le mail qui attendait sagement depuis six jours. Et il le lit, doucement, se pince les lèvres, s’agace un peu. Il n'aime pas qu'on lui fasse la leçon, mais il ne sait pas si ce n'est pas toute la pression de ces derniers temps qui lui fait se crisper sur un rien, surtout que Léandre ne s'attarde pas. Alors il laisse couler, savoure ces mots et ces idées confiés à un écran, prend le temps d'assimiler ce qu'il apprend sur le Céleste qui trouble tant son interlocuteur. Ça le perturbe aussi, mais sa curiosité est satisfaite, alors prend une gorgée et repose le liquide ambré un peu plus loin, pour se concentrer sur sa réponse. Ses mains jouent sur le clavier, et il écrit sans trop réfléchir, un peu à vif, un peu détaché. Le contre coup de cette semaine. Céleste espère qu'il aura une réponse pas trop tard. Sinon il devra sortir saluer le soir pour trouver un peu de mots ailleurs pour combler ses maux.
28 janvier 2049 - 20h07 Bonsoir Léandre,
Pardonnez moi ce temps de réponse, j'ai eu la tête ailleurs ces derniers jours et je n'ai pas eu le temps de me poser pour vous répondre l'esprit serein. Histoires familiales qui sont en ce moment pas des plus faciles, cela va un peu mieux.
Merci d'avoir satisfait ma curiosité. Il y a dans cet être quelques brides dans lesquelles je me reconnais, il faut que je me l'avoue. A défaut, je dois dire que je le comprend. Si lien il y a, voilà un autre point à prendre en compte. J'ai pour lui beaucoup de compassion teinté de sympathie, j'espère qu'il aura trouvé la paix. Mais laissons le passé de côté comme vous le proposez.
Je comprend votre point de vue sur la foi, mais ne le partage pas. En tout cas je ne pense pas ne plus croire en l'Homme par peur, ou alors il y a là un recul que je n'ai pas du tout sur ma situation. Néanmoins, je vous accorde que le cynisme est un beau masque, que j'apprécie avoir à mes côtés donc ne vous étonnez pas qu'il surgisse parfois. Un masque tout comme votre impartialité vous dites. Cela dit, les apparences sont loin d'êtres faciles à tenir, je maintiens donc mes mots sur votre force dans votre métier. Même si non, il est presque impossible de l'être jusqu'au plus profond de son être. Alors je vous crois volontiers lorsque vous me dites craquer et étouffer des violentes hardeurs, des peines et des colères en vous. Savoir les taire et les transformer en énergies plus positives est un joli don. Sachez que je suis désolé de vous voir écrire toutes ces émotions négatives sans ne pouvoir rien vous apporter d'utile, tout comme je le suis de ramener quelques noirceurs dans les sujets que nous évoquons. Souhaitez-vous que nous continuons sur des thèmes plus légers ?
A votre tour donc de m’envoyer de belles paroles, merci pour vos conseils. Je tacherais de les garder à l'esprit, je vous dois bien ça pour avoir voulu me faire précepteur de belles leçons. Envoyez-moi paître si je deviens trop moralisateur d'ailleurs.
Bref, je suis navré pour le ton de ce mail, sans doute ai-je encore trop de préoccupations en tête et je vous fais ainsi subir mon anxiété, je suis sincèrement désolé de ne pas réussir à faire la conversation plus agréable.
Je reste à votre disposition ce soir pour rattraper mon absence et me faire pardonner de n'avoir que peu de mots à vous retourner. Si vous souhaitez discuter plus vivement, j'ai tout le temps de ma soirée et de ma nuit aussi à vous accorder.
Bien à vous, Céleste.
PS : je suis enchanté de savoir que vous m'écoutez. Je ne peux encore chanter, mais au moins je ne souffre plus de tenir une conversation orale ni ne risque de plus gros dégâts sur ma voix à ne pas me taire. Merci de votre sollicitude, je serais ravi de vous savoir à mes côtés lors de l'une de mes représentations, lorsqu'elles reprendront.
Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
- Très anxieux. Lévres en piteux état, fume.
- prêt à tout pour être enfin reconnu et aimé par sa famille
- incapable d'aimer autrui et soi-même
- conservateur trés croyant
- pense que les androides sont des créatures déviantes
- belle âme au fond qui attend son envol
- homosexuel refoulé
- espére un jour être soigné
- attiré par Antoine Dastre
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo, extrait du recueil «Les Contemplations»
Antoine l’attend toujours, éternellement patient, immuable, un sourire doux et mystérieux dessiné sur les lèvres. Sur la tombe ornée de son nom, le portrait en médaillon qui le représente date de ses trente ans environ, à une époque où les ridules autour de ses yeux rieurs ne s’étaient pas encore formées, où Léandre ne l’avait pas encore rencontré. Il paraissait à peine plus jeune sur la photographie, si peu différent alors que presque dix ans s’étaient déroulés entre la prise du portrait et ce moment où l’Albatros l’avait réellement connu.
Léandre sourit doucement, relève les yeux du médaillon, dernière image qui lui reste de l’Ami.
“Bonjour Antoine. J’espère que vous allez bien et ne souffrez pas trop de l’hiver…”
Le cimetière est toujours désert à cette heure de la matinée. Il n’est que huit heure et les grilles s’ouvrent à peine, le soleil bas encore, teintant son aurore de pourpre et d’orange . Léandre vient chaque dimanche à cet horaire car les veuves et les veufs n’arrivent que plus tard, vers huit heure trente. L’Albatros et Antoine ont alors cette demie heure à eux seuls et Léandre peut parler à haute voix sans crainte des regards, se confier à cet homme qui veille sur lui depuis son paradis.
Il fait un pas en avant jusqu’à toucher du bout de ses chaussures la stéle surélevée, pose à ses pieds un grand sac de papier craft qui contient des plantes vertes aux fleurs blanches, les premières de la saison.
“J’ai vu la semaine dernière que vos pensées avaient gelées alors je vous ai apportés des perces-neiges. Le fleuriste me les a conseillé et m’a dit qu’elles tiendraient mieux. Je me suis dit qu’elles vous plairaient...“
Léandre s’agenouille, déterre de la jardinière de la sépulture les fleurs mortes, creuse avec application de nouveaux trous et y replante les perces-neiges qu’il arrose à l’aide d’une bouteille avant de se relever. Il tremble, souffle énergiquement sur ses mains et les frottent entre elles. Elles sont gelées et sales d’avoir fouillées dans la terre mais la vision des fleurs confortent l’Albatros. Humbles, discrètes et gracieuses, elles vont à ravir à Antoine. Ce sont des bourgeons de début d’année, de ceux qui naissent avec l'Hiver, dissipent le froid .
Un sourire mélancolique se dessinent sur les lèvres de Léandre. L’anniversaire de l’Illusionniste est bientôt. Il aurait eu quarante ans cette année. Peut-être l’auraient-il fêter ensemble pour oublier le temps qui passe et prouver que rien ne change pour ceux gardant l'innocence de croire.
Ses yeux le piquent sous l’image mentale et il chasse la pensée qui fait briller son regard de larmes contenues, reprend le fil des choses qu’il devait dire à Antoine.
“Je vous avais parlé la semaine dernière de ma rencontre étrange avec l’homme de la galette du coeur et de mon incapacité à lui écrire...Je l’ai recontacté mercredi dernier et je lui ai tout avoué… Mon lien avec vous, mes rêves, mon histoire avec l'androïde Swan… Il m’a écouté et l’a accepté je crois… Nous avons commencé à discuter par e-mail. C’est quelqu’un de très intéressant et il possède une belle plume… Il vous ressemble un peu dans sa façon de s’exprimer et ses valeurs et je ne doute pas qu’il vous aurait plu si vous l’aviez rencontré.”
Il se tait un instant à la recherche de ses mots, regarde le ciel derrière les cyprès et la couleur de l’azur a déjà changée, plus bleue à présent.
“Ses paroles me font du bien. Elles m’éloignent un instant de mon deuil et me font sourire. Elles me donnent envie de parler et de partager. J’ai l’impression de retrouver un peu de vous et de vie en eux… Mais…”
Sa gorge se noue légèrement. Il pense à ces feuilles volantes dans sa sacoche sur lesquelles il a imprimé les courriels dans la volonté de les lire à Antoine.
“J’ai honte tout à la fois de ces sentiments de joie légère. Je sais que vous auriez aimé que cela soit ainsi mais j’ai l’impression de vous trahir… Cela fait si peu longtemps et vous me manquez tant encore… Je me sens si seul sans vous. “
Les messages que Céleste et lui-même ont écrit, Léandre ne les lira pas aujourd’hui à l’Illusionniste. Tout est encore trop tôt. L’Albatros essaye d’avancer mais il n’est pas prêt. Tout est précipité et au moment de sauter, il recule, se bloque, le coeur au bord du gouffre, la parole oscillante, prudente. Funambule.
“Céleste… Ne m’a pas répondu… Cela ne fait que deux jours… mais… Je ne sais comment attendre, quoi faire hormis attendre… Ses réponses sont la seule chose qui m’habitent ces derniers jours… Pourtant nous n’avons échangés que quelques courriels… Ca ne devrait pas avoir d’importance... “
Silence.
“J’ai l’impression d’être un enfant qui, avec impatience, attend la lettre d’un ami, surveille chaque jour le courrier mais ne reçoit jamais rien… C’est douloureux… Je me fais pitié d’ainsi m’attacher à si peu de choses…”
Le portillon du cimetière grince au loin, bruit infime dans ce monde muet. Léandre tourne la tête pour voir la silhouette de Madame Hardy. A quatre-vingt-sept ans, elle continue à venir tout les deux jours. Elle a perdu son mari il y a quinze ans. Elle lui a avoué ne s’en être jamais vraiment remis même si l’Albatros l’a toujours connu souriante. Elle s’est résignée et a accepté la vie jusqu’à ce que la mort l'accueille. Il la salue d’un mouvement de tête et revient à la sépulture devant lui, reprend.
“Si Céleste me répond et que nous devenons amis, j’aimerais un jour vous lire nos messages. Cela vous distraira j’en suis sur.”
Il continue quelques minutes de parler, évoque le procès du vendredi, les petites choses triviales qui ont fait sa semaine et l’actualité du monde quand Monsieur Nguyen rentre à son tour dans le cimetière. Il est huit heure vingt-cinq. Pile à l’heure. Comme toujours. Depuis des mois, Léandre connaît les horaires et les habitudes de chacun, sourit aux visages familiers, distants et pudiques de la place de souvenirs. Le ciel est entièrement bleu pâle à présent, comme une toile délavée. Il y a quelques semaines encore, il était orangé à cette heure-ci. Le soleil se levaient plus tard ou plus tôt. Les fleurs sur les tombes étaient différentes. Il n’y avait pas de perce-neiges. C’est par ces détails que l’Albatros s’aperçoit du temps qui passe. C’est une chose qu’il ne le remarquait pas avant, trop pris par la vie et qu’il a appris à observer depuis qu’il visite ceux qui ont atteint le calme de l’éternité.
Il s’agenouille, pose une main à plat sur la stèle et ses yeux se ferment .Il laisse à sa peau l’instant de ressentir pleinement le froid envahir ses doigts, remercie l’ami d’être toujours là, partage avec son souvenir la douceur de son attachement, l'amertume de leur séparation. Sans mot, par la puissance du recueillement et de l’émotion libéré, il s’exprime tout entier au fantôme d’amour puis ses paupières se remettent à battre, ses lèvres à frémir sous une parole.
“Je vais vous laisser. Bon Dimanche Antoine. A bientôt. “
Deux larmes ont coulées sur ses joues mais son coeur, étrangement, s’est apaisé, ses craintes se sont diluées. Il y a un grand calme en lui. Une tristesse infinie aussi, une douleur sereine, celle d’encore aimer, de croire aux possibles de demain comme Madame Hardy croit encore à la vie.
Dans le deuil, Léandre et elles sont semblables : ils se sont résignés. Jusqu’à leur prochaine visite au cimetière, ils serreront les dent, pleureront, souriront, affronteront les drames et la puissance destructrice des sentiments. Ils attendront. De revoir ceux que l’on aime, de recevoir un mot qui réchauffe le coeur.
L’Albatros pense à Céleste, à ce qu’il a dit à Antoine à son propos. Tout était vrai dans ses mots. Attendre le fait souffrir car chaque jour est une nouvelle joie qu’on a du avorter. Un nouveau deuil. Léandre n’a pas besoin de cela alors il pardonne au chanteur le temps de l’attente, met ses messages précédents à la corbeille de sa boite mail.
Méthodiquement, il efface les traces de son passage pour l’oublier un peu, ne pas éteindre d’avantage l’espoir en repensant à l'absence.
Il s’applique et les jours passent, reprennent leur partition millimétrée, l’harmonie légèrement désaccordée. Quelque chose, à peine, sonne faux. Un reste d’espérance. Pourtant il n’attend plus, a accepté. Pour se protéger.
C’est une hypocrisie. Il s’en aperçoit quand il saisit son téléphone à l’arrivée du mail, sent son coeur s’emballer quand il ouvre et lit le message au contenu pauvre en informations. Dedans, Céleste répond banalement à des affirmations que l’Albatros avait fait précédemment. Il s’excuse aussi, argumente son temps de réponse en sous-entendant quelques problèmes familiaux, unique détail qui retient l’attention de Léandre. Il comprends, s’en inquiète et s’y attriste, trop grand empathique. Celeste n’a pas à s’excuser.
L’Albatros lui écrit, essaye, à sa mesure, de compatir, de l’aider, de lui montrer qu’il est là pour lui si Céleste le souhaite. Cela passe par des mots tapis de douceur et de compréhension, par le partage de sa foi et de conseils convenus ou par la subtilité d’une salutation de fin, un tendrement maladroit que Léandre pense néanmoins sincèrement. En relecture, l’ensemble lui paraît d’ailleurs gauche mais il ne sait comment autrement exprimer sa volonté de proximité sans s’imposer, lui si peu légitime alors qu’il aimerait tant aider. Il s'apprête à délivrer son courrier, se reprend. Une évidence vient de lui venir à l’esprit. Il la note en discret post-scritum, tient à s’excuser, et envoie le tout le coeur battant.
28 janvier 2049 - 20h32
Cher Celeste,
Nul besoin de vous excuser pour le temps pris pour cette réponse ou le ton qui y est employé et semble vous déplaire. En effet, si vos mots sont francs et traduisent quelques préoccupations, je ne m’en offusque nullement et comprends votre anxiété. De plus, en matière de temps, ceux que l’on aime sont la première de nos priorités et j’espère que votre famille et vous-même allez pour le mieux à présent. Je ne connais pas votre foi mais si vous le souhaitez, j’irais allumer un cierge à Marie-Reine-Du-Monde en votre nom dans l’espoir de pouvoir ainsi vous soutenir par la pensée et la prière. Si le besoin de vous épancher vous vient, mon attention vous est par ailleurs toute dédiée et n’hésitez pas à me solliciter. J’essayerai alors de vous apporter apaisement et solutions. En parallèle, même s’il est parfois difficile de se poser dans une vie frénétique, n’oubliez jamais de prendre du temps pour vous, de vous laisser aller au recueillement et à la sérénité d’un instant. Faites vous une boisson chaude, prenez un livre qui irradie de douceur votre cœur, allumez-vous un feu, contemplez l’oranger du ciel d’hiver à son crépuscule, mettez un peu de musique (Gymnopédies d’Erik Satie me ravit pour ce type de moment), posez votre masque et laissez-vous porter. Si les larmes vous viennent, laissez les venir et accueillez-les avec clémence car les émotions qui nous habitent sont l’expression de nos besoins profonds, les mots de ce tout petit enfant en nous que nous essayons si souvent d’étouffer alors que, mieux que l’Adulte, il sait ce qui nous est vital. Je ne vous retiens pas plus longtemps en attendant, et vous souhaite la quiétude de l’âme.
Tendrement,
Léandre
Ps : J’ai réalisé dans votre précédent message que j’avais pris pour acquis votre situation familiale et amoureuse et je me suis livré sans pudeur dans mes messages antérieurs. Veuillez m'excuser si mes propos ont pu vous paraître déplacés et réitère si besoin mes excuses auprès de votre compagne ou de votre compagnon. Je ne souhaitais nullement paraître incorrect.
Céleste Francoeur
Mails : 32
Double-compte : Thomas Loiseau
Emploi/loisirs : Chanteur lyrique
$ : 438
Ven 10 Mai - 0:52
ft. des gens
La Galette du Cœur.
Silence, doux, bercé de musique. C'est plaisant, apaisant. Avec la sensation d'avoir accompli quelque chose, quelque chose pour lui, rien que pour lui. Et il reste un instant absent, à fixer son écran derrière ses cils blancs. Message envoyé, c'est tout ce qu'il y a d'indiqué. Pas de décompte sur le temps de réponse, pas d'information sur la suite. Combien de temps donner avant de se dire qu'il attend pour rien, que ce ne sera pas pour tout de suite. Incertain, sans forcement d'entrain non plus, Céleste patiente quelque longues minutes sans rien faire d'autre que d'être. Être là, présent. Ressentir. Réfléchir. Mais avec toutes les futilités qu'il souhaite, sans se prendre la tête. Une pause. Il compose. Compose un nouveau rythme pour ce soir, la mélodie plus calme qu'a sa vie à cet instant. C'est bon. Simple. Il disparaît dans ses pensées, dans plus grand que lui, dans un infini et dans rien. Essaye de repousser ses inquiétudes qui l'ont habité ces derniers temps, essaye de maîtriser toutes ses émotions qui se sont faites silencieuses ces derniers jours. Il ne sait pas s'il souhaite les repousser, les mettre dans un coin, ou prendre le temps de les accueillir, une à une. Prendre le temps de les faire sienne, de les ressentir. Les prendre en son sein, les bercer, les nommer et les apaiser. Mais non. Pas ce soir. Le verre est vidé d'un trait, puis reposé calmement sur la table. Pas ce soir, demain il verra bien. Ce soir il profite simplement, il perd son temps. Et c'est parfait. L'écran reste désespérément vide. Son verre l'est tout autant. Sa tête un peu aussi. Et il ne sait que dire de sa nuit pour le moment. Il ne veut pas qu'elle soit vide. Surtout pas. Vide de sens, vide de présence. Vide de vie. Cela ne fait même pas vingt minutes. Doit-il se préparer à sortir ou est-ce trop tôt ? Aura-t-il seulement quelques mots offerts en cadeau ce soir, ou doit-il faire taire tout espoir ? Il se sent idiot. Ses pensées vont et viennent et n'ont plus rien de reposantes. Quelle idée aussi... Soupire. S'occuper. Pour ne pas se laisser aller et fuir la nuit trop tôt dans la soirée, la laisser d'abord venir à lui. Et si dans l'heure qu'il suit, rien ne l'attend, alors il sortira l'accueillir. Son regard balaye la pièce, sans trouver où s'attarder, à quoi s’accrocher. Il y a trop de choses ici, mais tout est déjà en ordre, son ordre, et tout est déjà propre. Voilà une autre raison qui le fait soupirer, si le fait d'avoir un androïde l’empêche de tuer le temps à nettoyer son chez lui, l’empêche de se perdre dans une tache aussi simple et redondante que de prendre soin de ses biens. Soupire, à nouveau. Ortie s'étire longuement, baille en même temps et s'assoit, son regard endormis se fixant sur lui alors qu'il se lève à sa rencontre. Lestement, il se baisse et approche sa main, qu'elle vient cueillir du haut de son crane pour quémander quelques caresses. C'est doux, ça le fait sourire. Elle lui a manqué, malgré tout. Il n'était plus vraiment présent ces derniers temps, de moins mentalement. Ainsi recroquevillé, accroupi sur la pointe des pieds et les doigts chatouillant la fourrure de sa compagne, Céleste se demande à quoi ressemble sa vie. Là, maintenant. Tout de suite. Le drame de sa famille, la disparition de son travail. Et puis quoi ? Une suite d’absences et de vide finalement. Qu'il ne peut remplir par son emploi du temps. Et il est juste là, désespérément là. Sans bons amis à ses côtés, les collègues avec qui il s'est liés d’amitié sont en tournée ou très éloignés. Ceux qui ne sont pas du milieu... il les perd de vue trop facilement, trop rapidement. Des rythmes qui ne s'accordent pas, ou une excuse pour lui pour ne rien construire, juste fuir en avant ? Tsss. Céleste se redresse brusquement, s'excuse envers Ortie qui se relève avec surprise, et s'en retourne à sa table. Le liquide ambré coule à nouveau dans son verre, il en bois une longue gorgée, se trouve étrangement bien à faire un faux point sur lui, à devenir un cliché idiot sans culpabiliser. Cela le fait presque sourire seul. Il secoue la tête et ça fait glisser ses cheveux humides sur son visage. Il ne sait pas quoi penser de tout cela. De tout lui. Pense à sa MamieCoeur, à sa sœur. A l'heure qui avance doucement. A nouveau l'alcool envahit son palais. Il peut peut-être préparer de quoi se vêtir pour sortir. Au cas où. Au cas où Léandre. Ou simplement regarder la nuit tomber, le temps qui passe, le ciel s'étoiler des lumières de la ville. Puis enfin il y a ce son. Celui qu'il voulait entendre sans oser espérer. Celui qui lui fait rejoindre son fauteuil sans plus de cérémonie pour se ré-installer confortablement, ses lèvres étirées dans un sourire sincère. Il en oublie ses craintes et son ennui, en oublie ce qu'il faisait pour se plonger dans sa lecture avec une douce fébrilité. De quoi lui tirer un sourire moqueur lorsqu'il prend du recul sur son attitude. Idiot oui. Sa première lecture est rapide, il dévore comme toujours. Puis il reprend plus calmement, savoure le fait qu'on lui ait répondu, que Léandre ne lui en veuille pas pour tout ce silence et ce temps perdu, et qu'il sait maintenant quoi faire de sa soirée. Parfait. Son sourire ne le quitte pas, il y a dans la pieuté de son correspondant quelque chose de rassurant, d'immuable, plaisant. Mais c'est surtout son post-scriptum qui lui tire un rire, un rire qui fait se dessiner les petites rides au coin de ses yeux. C'est adorable de prévention et il ne peut s’empêcher de faire la lecture à sa chatte venue squatter le confort de ses genoux. Ils auraient conversé de vive voix, Céleste ne se serait pas retenu de le charrier sur le sujet. Il se contentera de le relever avec une pointe de malice, sans trop insister non plus. Au final, il ne sait pas du tout comment décrire cette relation ni où elle peut le mener, alors autant continuer. Il note ce 'tendrement' qui fait comme un petit pansement et se met à écrire.
28 janvier 2049 - 21h18 Merci Léandre, Pour vos mots et vos pensées, au moins cela à fait taire mes préoccupations à votre sujet et je suis assez soulagé de ne pas vous avoir froissé d'aucune manière.
J’entends bien vos conseils de prendre du temps pour moi, mais je crois qu'en ce moment le problème est que j'en ai beaucoup trop et me voilà à ruminer en pensée tout ce qui m'obsède et me tourmente, que ce soit les problèmes du quotidien tout comme les grandes questions existentielles. Je crois que je me suis un peu trop enfoncé dans mon travail ces dernières années et qu'avoir tout ce temps libre me fait prendre conscience de tout ce que je pouvais alors écarter aisément de mes réflexions. Dommage pour moi, j'ai encore de longues semaines de vide qui m'attendent. Pour ce qui est du cierge, je crois que cela ne peut faire de mal à personne, surtout pas à la concernée qui serait ravie de savoir qu'une âme pieuse a eu une pensée pour elle. Bien qu'elle m'adore, je crois qu'elle aurait apprécié de ma part un peu plus de ferveur à l'égard de sa religion. Elle ne me le reprochera jamais, mais au moins se sentira-t-elle soutenu dans ses croyances, choses que je ne peux faire sans offrir là une forme d'hypocrisie que je ne veux infliger à personne. Surtout pas à elle. Voyez-vous, il s’agit ici de ma grand-mère, une femme extraordinaire mais qui doit se battre contre un cancer. Pourriez-vous alors le faire ? Vous serez bien aimable et je vous en serait très reconnaissant et elle aussi, je vous remercie sincèrement de votre attention.
Je crois pouvoir suivre vos suggestions, j'ai une tisane à la main, de quoi vous écrire à la place d'un livre, à défaut de la chaleur d'un feu, mon chat est venu se lover contre moi et j'ai mis un fond musical. Il y a quelque chose de serein qui m’atteint, mais je dois vous dire ici que si des larmes viennent parfois à moi, c'est sous couvert d'une représentation où la chanson devient prétexte à laisser parler mes émotions. Je crois avoir du mal à exprimer autrement les quelques émois qui me traversent parfois. Je serais curieux d'en savoir plus sur vous : vous est-il plus facile de vous épancher au travers de mots comme ici, ou réussissez-vous à exprimer physiquement vos maux et autres sentiments, arrivez-vous à vous laissez aller ? Au travers d'un art ?
Et j'apprécie votre PS et vos considérations, si c'est une manière détournée de vous renseigner, sachez que vous pouviez poser directement la question, je vous aurais répondu avec joie. Je vous taquine encore, navré. Il n'y a ni Madame, ni Monsieur, ni autre à vexer dans l'histoire, soyez tranquille sur ce sujet et continuez de vous confier comme vous le faites. Puis-je vous retourner la question ? Bien que j'ai cru comprendre avec toutes cette histoire pas mal des enjeux de votre vie présentement, y a-t-il tout de même près de vous quelqu'un qui a retenu votre attention et votre affection ? Désolé pour cette curiosité peut-être déplacée. Il faut que je vous avoue avoir menti sur ma tisane, et que je suis passé à bien plus fort plus tôt dans la soirée. J'avais besoin d'un fond de chaleur et de quoi me délier les pensées et les mots, peut-être trouver le courage de vous envoyer le premier mail tout à l'heure aussi. Allez savoir.
Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
- Très anxieux. Lévres en piteux état, fume.
- prêt à tout pour être enfin reconnu et aimé par sa famille
- incapable d'aimer autrui et soi-même
- conservateur trés croyant
- pense que les androides sont des créatures déviantes
- belle âme au fond qui attend son envol
- homosexuel refoulé
- espére un jour être soigné
- attiré par Antoine Dastre
- Juge en DarkSlateBlue
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Sam 11 Mai - 17:45
Et si Céleste est déjà engagé dans une relation?
L’Albatros n’y avait pas pensé jusqu’à présent. En le rencontrant à la galette du cœur, Léandre avait inconsciemment pris pour acquis le fait que le chanteur n’avait personne dans sa vie. Ni conjoint.e, ni amant.e. Personne en ce monde à qui faire du tort. Poussé par l’évidence, il avait alors parlé ouvertement et face à l’incertitude, le regrettait maintenant.
Et si…
Il se mord la lèvre inférieure par nervosité et son mail à peine envoyé, il sait qu’il ne peut qu’attendre avec une anxiété diffuse la réponse de son interlocuteur.
Et si… S’il avait été la source d’une dispute entre Celeste et son.a compagnon de vie ? Si ses messages n’étaient à présent plus les bienvenus? Qu’on l’avait pris pour une relation adultère?
Léandre ne préfère pas y penser, et après avoir monté à son maximum le volume de son ordinateur portable, s’en détourne, s’en va rejoindre sa minuscule cuisine où tout est si exiguë que le moindre placard est ouvrable à bout de bras sans avoir néanmoins à se contorsionner. Tout a été pensé pour l’ergonomie et cette promiscuité avec les meubles et cette rentabilité extrême de l’espace, l’Albatros l’a choisi. Il a voulu un studio le plus petit et le plus pratique possible, a demandé à l’architecte de s’inspirer des cellules monastiques. Less is more. Pas d’inutile. Pas de fioriture. Il aime le dépouillement fonctionnalisme et l’essentialisation de son espace de vie. Il n’a pas besoin de plus, ne veut pas s’y attarder car son studio est avant tout un lieu de passage. Il y mange, s’y lave, y dort, y prie et parfois, assis à son bureau ou à son fauteuil, y lit et y écrit . Le reste ne se passe pas ici. Ce n’est qu’une annexe de sa vie au tribunal ou à l’association; un pied à terre qu’il s’est aménagé à l’époque où il vivait encore chez ses parents, quand ses nuits de travail l’épuisaient tant qu’il ne trouvait pas l’énergie de revenir à la maison familiale.
Aujourd'hui, cela est légèrement différent. Son unique foyer est ici. Il n’a plus que ce lieu et la relation avec son père s’est détériorée. Il n’a pas supporté que son fils avoue devant tout le monde son homosexualité. Léandre n’est plus le bienvenue à la maison et l’Albatros ne veut plus y retourner. Il y passe, parfois, en coup de vent pour venir chercher quelques affaires, embrasse sa mère, mange avec elle avant de disparaître. Elle est toujours heureuse de le voir même si elle non plus n’a pas accepté son choix. Elle ne comprend pas. Elle le pensait soigné et essaye de lui faire entendre raison, lui parle de filles d’amies. De sa voix inquiète, elle lui répète qu’elle veut des petits enfants, une belle vie pour lui, qu’il souffrira s’il s’entête dans sa maladie et qu’il doit continuer son traitement, que ce n’est qu’un moment d’égarement. Elle a toujours l’espoir, la foi aveugle que la réalité changera si on ne l’affronte pas. Léandre lui pardonne. Il ne peut faire que cela.
Avec une gestuelle assurée, il attrape dans le réfrigérateur un tupperware en verre plein de cubes de potimarron, quelques pousses de mâches et de la mozzarella, fait bouillir de l’eau chaude dans une casserole pour ensuite y verser du quinoa. Il met le minuteur, coupe en tranche le fromage, fait sauter quelques lardons dans une casserole, grille du pain et toaste de l’avocat qu’il coupe en dés, ajoute de l’huile, du vinaigre, du sésame et quelques morceaux de tofu frais. Il n’hésite pas, la recette parfaitement imprimée dans sa mémoire. C’est un classique, de ceux qu’il prépare si souvent. Cuisiner le détend et le force à manger équilibré. Il en apprécie l’exercice même si, hormis Neliya, il n’invite jamais personne à venir manger. Parfois, rarement, il fait aussi des grandes quantités d’un même plat qu’il met dans des barquettes en carton afin de les offrir aux sdfs lors de ses maraudes. Ce n’est pas grand chose et il aimerait faire plus mais ne prend pas le temps. Trop chronophage.
Le minuteur sonne, il égoutte le quinoa, le rince sous l’eau glacée pour le refroidir et termine sa recette, mets tout les ingrédients dans un gros bol, sors un verre pour se servir un peu de vin qu’il a fait décanter. Il le préfère ainsi, aéré. Le bouquet est alors plus ouvert, comme une fleur qui a éclot pour offrir toutes les subtilités de ses arômes. Il en avale une gorgée, sourit sous le goût de l’alcool, se met à la petite table de la piéce principale en tenant son verre d’une main et l’assiette de l’autre.
Vingt-et-une heure trois. L’heure idéale pour souper. Il se relève, va chercher “Gymnopedie” dans sa bibliothèque, place le disque sur le gramophone et la musique emplit le studio, douce et trainante, comme une promenade. Parfait pour un début de soirée au calme. Parfait pour l’attente. Il mange sans se presser, repense à Céleste, pique dans un morceau de potiron en lisant un article de la Croix sur son téléphone quand une notification apparait. Le chanteur a répondu et l’Albatros change aussitôt d’application pour lire le message. Dedans, Céleste parle plus en détail de ce qu’il a qualifié d’histoires de famille dans sa précédente réponse et la poitrine de Léandre se serre quand il apprend que celles-ci sont liées au cancer et à l’hospitalisation de la grand-mère de son interlocuteur. Il repense également à toutes ces connaissances et ces malades qu’il a soutenus à travers les programmes d’accompagnement d’Espérancia, se lève et va chercher son petit carnet d’adresses qu’il ouvre à son index, parcourt pour trouver le numéro de page où il a mis tout les numéros liés à l’oncologie. Page 23.
Il garde le numéro en mémoire, continue sa lecture, sourit délicatement sous la curiosité de Céleste à son propos et son esquisse s’agrandit d’avantage encore quand il attaque le dernier paragraphe, lis la taquinerie légère et tendre du chanteur sur le post-scriptum de son message précédent. Non, il n’a ni Monsieur ni Madame à vexer et la tisane est en vérité un verre d’alcool. Léandre est rassuré et amusé, repose son téléphone sur la table, fixe son repas entamé. Il n’a plus faim maintenant. D’autres priorités sont venues remplacées son appétit. Tant pis. Il finira plus tard.
Du bout des doigts, il attrape les pousses de mâches qu’il mange, met le reste du plat dans un récipient qu’il place au frigo. Il attrape son verre de vin et la carafe à décanter qu’il a laissé sur la petite table et vient s’asseoir à son bureau, devant son ordinateur, commence à répondre au mail de Celeste. Il laisse glisser ses doigts sur son clavier, les idées et les vérités se délier.
La peur de décevoir et l'angoisse innommable qui censuraient ses mots et l’entreignaient jusque là l’ont à présent quitté. Il ne craint plus de se livrer pleinement. Il s’exprime plus librement, d’un élan nouveau et ne sait pas bien pourquoi. Peut-être est-ce le temps de recueillement forcé de la semaine passée qui l’ont fait relativiser son attachement insensé ou le fait que Céleste s’ouvre à son tour, l’interroge avec intérêt. Peut-être, est-ce aussi l’espoir inconscient que quelque chose pourrait éclore entre eux, qu’un compagnon nouveau pourrait l’escorter sur les chemins de la vie. Esquisse. Léandre sourit pour lui-même. Une émotion diffuse, légère et joyeuse irradie sa poitrine, la compresse doucement. C’est agréable. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas ressenti cela et il ferme ses paupières, savoure l’instant, se plaît à croire pour la première fois de sa vie qu’il aimerait aimer un homme.
Cet homme.
C’est absurde mais il accueille l’idée, l’illustre de quelques projections romantiques, de quelques songes tendres. Il s’en amuse comme un enfant imagine sa vie future avant de l’écarter sans violence, de reléguer les rêves d’avenir au grenier. Il redevient adulte, réaliste, boit une gorgée de vin, reprend et clôt sa réponse, toujours bercé par l’espoir qu’a engendré la quiétude des images.
28 janvier 2049 - 22h01 Cher Céleste, Une fois de plus, je ne peux que comprendre votre état actuel car la peur de me laisser dépasser par la noirceur de mes pensées est une des raisons qui me poussent à toujours travailler et m’oublier. Je ne pense pas que cela soit sain néanmoins et si votre esprit a besoin d’occupations, je peux vous conseillez quelques activités agréables, qu’elles soient dans le cadre de milieux associatifs ou non. Rencontrer des gens, vous investir dans des causes, penser le monde autrement vous ferez le plus grand bien, j’en suis sur.
Pour votre grand-mère, j’en suis sincèrement désolé. Dans quel hôpital est-elle suivie ? N’hésitez pas à solliciter les milieux associatifs et médicaux. Le traitement du cancer est onéreux et lourd mais de nombreuses aides et solutions sont possibles. Travaillant partiellement avec ces milieux, je pourrais interférer en sa faveur et vous aiguiller si vous le souhaitez. Je lui souhaite par ailleurs un très bon rétablissement. Pour le cierge, savez-vous si elle possède une église de prédilection sur Montréal car un croyant est souvent attaché à un établissement. J’essayerai de plus de me rendre dans la semaine au sanctuaire Saint-Pérégrin (patron et protecteur des malades du cancer) pour allumer un deuxième cierge. Mes prières à venir seront tournées vers elle dans tous les cas, soyez-en sur.
Dans l’espoir de revenir à des choses moins graves, je crois que les mots et l’écriture ont toujours été l’unique moyen de m’exprimer pleinement. Ils sont mes armes et mon bouclier, la rationalisation, l’analyse, l’ordre et la justesse de mon esprit car la nature et l’éducation que j’ai reçue ont insufflé en moi une âme mutique, incapable de s’exprimer dans l’instantanéité. En effet, quand il est question de moi, je ne sais qu’enfermer mes sentiments et mes émotions, faute de n’avoir jamais réussi à les domestiquer. Etrangement, je ne pense pas pour autant être réservé et l’exercice social, à force de le pratiquer, m’est devenu une banalité où je réponds par automatisme sans jamais me confier. Un sourire, une belle parole, un geste et celui avec qui on parle est satisfait. Les attentes des hommes pour un analyste sont souvent faciles à deviner.
En écrivant ces mots je réalise que je suis peut-être juste un monstre de contrôle et d’apparente convenance et m’excuse pour cet autoportrait peu flatteur et surement quelque peu froid … Pour rendre quelques couleurs plus chaudes à cette description, mon masque se fissure souvent quand je suis troublé, comme vous avez pu le constater lors de notre première rencontre. L’art, la musique, les gestes d’humanité, la complicité et la spontanéité d’une session de jam, dévoilent aussi parfois chez moi une chaleur ou une sensibilité que je contiens habituellement par pudeur. Récemment, j’ai par ailleurs appris à me livrer sans fard à une amie très chère qui malgré la chute du masque, ne m’a jamais renié. C’est une personne formidable et la seule que j’aime sincèrement en ces jours bien que je m’attriste toujours de ne pouvoir lui rendre la forme d’amour qu’elle me porte. Je me sens cruel de ne pouvoir l’aimer et elle me pardonne, me regarde avec tendresse. Ma venue avec elle à la galette prend d’ailleurs son origine dans une promesse que nous nous sommes fait et qui veut que nous apprenions de nouveau à aimer indépendamment pour nous épanouir loin de notre peine commune. J’essaye alors même si je ne sais pas si je veux y croire encore. Peut-être avez vous déjà fait l’expérience d’un tel vécu mais recommencer sa vie après une séparation difficile est une chose étrange où trouver le bon rythme est souvent ardu. En effet, j’aimerais avancer et oublier mais mon deuil est encore si présent. Je n’y arrive pas même si je dois avouer qu’échanger avec des personnes comme vous me permet légèrement de m’éloigner de ma peine et de la vivacité de mes souvenirs. Je vous en remercie et espère que nous pourrons devenir un jour amis.
De votre côté, qu’est ce qui vous empêche d’exprimer les émois qui vous traverse parfois ?
Léandre
Ps : Vous imaginez un verre à la main me fait sourire. Que buvez-vous ? Au vu de l’heure et de votre portrait, je vous imagine boire un vin rouge ou cuit, un fond de rhum arrangé, un whisky ou un baileys. Peut-être néanmoins mon imagination est-elle influencée par mes propres goûts. Vous comprendrez d’ailleurs par la tournure de cette phrase que je ne suis nullement en légitimité de vous juger sur votre boisson, en ayant moi-même bien trop abusé jusqu’à il y a peu. Heureusement, au plus grand bonheur de mes reins, j’ai néanmoins un ange qui m’a remis de force dans le chemin de la sobriété. Je vous salue donc avec un modeste verre de vin de table.
Céleste Francoeur
Mails : 32
Double-compte : Thomas Loiseau
Emploi/loisirs : Chanteur lyrique
$ : 438
Dim 12 Mai - 22:48
ft. des gens
La Galette du Cœur.
Et a nouveau l'attente, mais cette fois sans appréhension, sans plus aucune question. Une attente sereine, plaisante, bénéfique. Qui ne fait que mettre un peu de chaleur au bout de ses doigts alors qu'il remonte la conversation, pour la parcourir distraitement, mais avec le plaisir de relire quelques mots, de survoler les quelques réponses échangées. C'est peu, mais la quantité n'a rien à voir avec la qualité. Et qualité il y a, dans les mots, dans les idées. Malgré l'approche pourtant très spéciale, et ça lui donne envie de se pencher à nouveau sur cette histoire qu'il n'a pas voulu approfondir de trop, sur cette étrangeté qui lie leurs premiers mails. Il repasse, ressasse, c'est toujours aussi perturbant, peut-être un peu moins avec le temps, ou alors c'est le whisky sûrement. Puis Ortie demande quelques caresses, alors il délaisse son portable et s'occupe d'elle. Bien qu'il ne soit pas très concentré, il ne s'en formalise pas. Elle non plus, alors ce n'est pas grave. Il repense à plein de choses à cet instant. A sa grand-mère toujours, sa sœur évidemment, à ses parents et leur absence. Il repense aussi à Chalry, même si c'est loin derrière lui maintenant, même si tout va bien. Il n’empêche, c'est sa dernière relation, son dernier sentiment amoureux, qui lui a fait mal aussi, un peu. Et depuis ? Pas grand chose, beaucoup de rien, beaucoup de liens, rien d'important, surtout pas de grands sentiments. Et lui là dedans, qui fuit en avant. Peut-être qu'il ne devrait pas trop ouvrir les yeux ce soir, ou il va se donner le cafard. Qu'importe, il a bien le droit. Après ces jours à se perdre, après ces mois à ne rien faire, il n'en peut plus. S'il lui faut se confronter au vide de sa vie personnelle, tant pis, il a un verre avec lui pour pallier à ça, et ce qui s'approche d'un ami de l'autre côté de son écran. Cela devrait suffire à le faire tenir, à ne pas quitter le navire, bouteille au goulot et lui qui sombre dans les flots. Il est mélancolique, alterne les états d'esprit, c'est un peu fatiguant, mais intéressant. S'il écrivait, il ferait un bel exercice d'écriture automatique, voir ce qui en découle, ce qui coule de ses pensées pour noircir le papier, et se relire à tête reposée. Ou simplement brûler les mots sortis par l'alcool et la fatigue et le soulagement qui ont envahi son esprit. Il ferme les yeux, met dans la nuit le monde autour de lui pour faire le vide. Et se concentrer, se perdre encore dans ses pensées. Il n'arrive pas à en être vraiment fatigué, à se dire qu'il devrait aller se coucher. Il y a cette fébrile excitation, cette attente impatiente d'avoir la suite de leur conversation. Il ne voudrait pas manquer cela, c'est pourquoi toute forme de sommeil le quitte. Malgré ses paupière closes, malgré cette douce chaleur dans laquelle il est plongé. Chaleur de l'endroit, chaleur dans tout son être. Il tourne en rond Céleste, rumine les même pensées, rengaines incessantes qui tournent doucement en boucle. Ses paupières se relèvent et il fixe le plafond clair au dessus de lui, incapable de faire quoi que ce soit d'autre que d'être là. Simplement écouter les mélodies qui dansent dans la pièce, à siroter le liquide ambré de son verre et Ortie qui profite de son insomnie en devenir. Le tableau est tranquille, il n'y a rien qui bouge, pas d'autre mouvement que celui lent de leurs respirations. Et le chaos serein de son âme.
Doux tintement, la petite lumière clignote. Céleste baisse doucement les yeux sur son écran, le temps de sortir de ses pensées et esquisse un geste lent vers lui, pour s'en saisir et l'ouvrir sur le nouveau message. Il le fait défiler, une première fois puis une seconde, comme à son habitude. Passe rapidement sur les conseils, sent le ton sincère et l'implication de Léandre à propos de sa grand-mère. Ou du moins il l'espère. Il repousse mentalement son aide, avec douceur, parce qu'il ne saurait comment se comporter face à cette sorte de traitement de faveur, et ne se veut pas redevable. Lit avec bienveillance les confessions qui suivent et sourit de le voir s'épancher autant, alors qu'il avoue ne pas s'exprimer librement à haute voix. Il y a cette pointe égoïste en lui qui se satisfait de la réponse fournie, d'en savoir un peu plus sur son amie et leur relation. Il la fait taire rapidement, elle n'a pas lieu d'être, et préfère sourire plus franchement au post-scriptum et ses badineries légères. Bien, il va pouvoir se focaliser sur sa réponse, mettre en ordre ses idées et oublier quelques longues minutes le désordre de son esprit. Se laisser aller à son tour à quelques confidences, raconte les faits, taquine un peu, jusqu'au ps qu'il ne relit pas, contrairement au reste du message. Trop franc, il préfère envoyer plutôt que de se pencher sur les doutes qu'il partage.
28 janvier 2049 - 22h52 Léandre, Au moins sommes nous deux à nous fuir dans nos activités. En effet, cela n'est pas sain il n'y a aucun doute là-dessus. Et je prend note de vos proposions, merci. Je crois néanmoins me complaire assez dans cet état étrange, si seulement la santé était au beau fixe pour les miens, n'aurais-je eu que mes seuls soucis pour m'envahir l'esprit et cela ne m'aurais pas dérangé outre-mesure. Je dois dire aussi que ma vie sociale est plus animée depuis mon repos forcé. La preuve en est que nous nous sommes rencontrés et nous voilà à discuter.
Merci sincèrement pour sollicitude et votre implication auprès de ma grand-mère. En parler avec quelqu'un de plus loin me fait du bien, j'ai beaucoup du mal à trouver avec qui je peux m'exprimer, sans que ce ne soit quelqu'un de concerné directement. Je ne veux pas faire porter mes inquiétudes sur ma sœur et sa famille qui a déjà les siennes à gérer. Je ne peux pas non plus en parler avec mes parents, nous ne sommes plus si proches depuis longtemps et c'est en cela que notre grand-mère est si importante, c'est pratiquement elle qui nous aura élevés, éduqués et soutenus. En parlant d'associatif d’ailleurs, elle est très investie dans le milieu, à son échelle cela dit. Mais il n'y a pas de petites actions, vous le savez bien. Vous avez d'ailleurs tous deux quelques points communs qui feraient qu'elle vous apprécierait beaucoup. Je m’épanche peut-être trop, désolé. Revenons à l'essentiel. Elle est suivie par le CHU de Montréal, nous nous occupons ma sœur et moi de combler ce qu'elle ne peut avancer pour ses soins, à nous trois, plus l'aide de la famille autour, cela se fait sans nous mettre trop dans l’embarras. J'ai subviens au mieux, ma sœur a suffisamment de ressource pour combler ce qu'il faut et nous nous sommes renseignés sur les aides. Merci pour la votre, mais je me sentirais très mal de vous demander ce genre de faveur, et je pense que nous avons fait au mieux pour le moment pour son confort et le suivit. Pour le reste, nous espérons. Merci pour le cierge, je ne saurais malheureusement pas vous en dire plus sur l'église qu'elle fréquente, j'en suis navré.
Je comprend aisément votre discours et il n'y a là rien de monstrueux, ne craignez rien. D'une certaine manière, je suis d'accord avec vous, il y a quelques facilités à l'oral à coller à ce qu'on attend de vous, sous couvert de politesse, bienséance et d’intérêt envers l'autre pour comprendre ce qui est en jeu, sans se mettre trop en danger si on le souhaite. Et l'écrit à cela de rassurant que nous sommes seuls face à des mots, avec le temps de pouvoir les réfléchir et surtout sans sentir aucun regard, aucun poids, aucun jugement directement. J'ai tout le même du mal à faire la part des choses, entre votre facilité à vous confier dans ces lignes à un être que vous connaissez à peine, et la froideur dont vous pensez faire preuve lors d'une conversation. J'espère avoir le plaisir de revoir celui qui se devine sous ces mots lorsque nous nous reverrons. Mais je n'en doute pas, au pire j'essayerai de trouver manière de vous troubler à nouveau et créer ainsi quelques brèches comme vous l'avouez. Écrivez-vous sous une quelconque forme ? Roman, essai, journal ?
Vous et votre amie avez bien de la chance de vous être trouvés, je vous souhaite à chacun le bonheur et l'amour, puisque c'est ce que vous ne pouvez vous offrir pleinement. Au moins je sais maintenant que vous n'avez pas traversé votre deuil et vos peines seuls et cela me rassure. Elle avait l'air des plus charmantes à vos côtés l'autre jour et je dois avouer avoir douté alors, d'avoir le droit de vous inviter. Je suis bien aise de pouvoir vous aider un peu dans votre chagrin, j'espère qu'elle a pu trouver de son côté aussi quelqu'un pour l'épauler un peu.
Pour la boisson, vous avez bon. J'ai ramené quelques bouteilles de mes voyages et j'ai là un whisky pure malt des Highlands d'Ecosse plutôt agréable. Ne voulant vous encourager alors que vous réussissez à réduire votre consommation, je ne vous inviterais pas à une plus ample dégustation. Mais si l'occasion se présente et sans abus, je serait ravi de partager quelques saveurs avec vous si cela vous dit. Remerciez-votre ange cela dit, c'est un beau geste et c'est bon pour vous. Santé, comme disent nos français.
Bien à vous, Céleste.
PS : je ne m'attarde pas sur votre question, non pas parce que je ne souhaite pas vous répondre, mais parce que je ne saurais clairement vous dire ce qui m’empêche m'exprimer. Pudeur, peur, honte... ou parce que je n'y vois aucun intérêt et préfère prendre en compte le pourquoi de ces émotions et les garder en moi, pour construire mon art, plutôt que d'exprimer sans porte à faux et perdre mon temps avec des sentiments sans que cela ne m'apporte rien... par crainte d'être faible.. ou parce que je ne les entends pas, pas avant d'avoir trop en moi et que cela n'ait besoin de se révéler. Je ne sais pas. On attendra mon prochain verre peut-être.
Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
- Très anxieux. Lévres en piteux état, fume.
- prêt à tout pour être enfin reconnu et aimé par sa famille
- incapable d'aimer autrui et soi-même
- conservateur trés croyant
- pense que les androides sont des créatures déviantes
- belle âme au fond qui attend son envol
- homosexuel refoulé
- espére un jour être soigné
- attiré par Antoine Dastre
Il n’y a plus qu’à patienter. Attendre sans crainte ni violence, dans l'apaisement du moment à venir. C’est un silence dans une partition, un temps de recueillement dans entre deux offices et Léandre, léger sans être euphorique, s’écarte de son ordinateur, se dirige vers la salle de bain, se déshabille, se lave le visage avec un savon doux, retourne dans la pièce principale uniquement vétu de son boxer, pose proprement ses vêtements sur son valet, prend son pyjama, retourne dans la salle d’eau, dépose sur le bord de l'évier sa tenue de nuit pour finir par se déshabiller et pénétrer dans la douche.
Sans excès de plaisir, il laisse l’eau tiède glisser sur sa peau, le savon sur son gant recouvrir son épiderme d’un filet gras à l’odeur de propre. Il se rince, et rince le gant qu’il raccroche au crochet de la douche pour l’étendre, attrape sur le porte-serviette un drap de bain chaud dans lequel il s’enroule quelques secondes avant de se sécher. Des gouttes d’eau perlent encore de ses mèches humides et en bataille et il repose la serviette à sa place, passe son pyjama, se brosse les dents et coiffe en arrière ses cheveux. Il ouvre la petite fenêtre de la salle de bain pour permettre à la pièce de s’aérer et sort en fermant bien la pièce, ses chaussons au pied. Tout est habituel, extrêmement ordonné et soigné. Ce sont des automatismes que Léandre a pris dans sa vie millimétrée. Cela le rassure.
Il va à la cuisine, allume sa bouilloire, se prépare une infusion de thym avec un touche de miel qu’il verse dans une tasse. L’objet à la main, il se réinstalle un instant à son bureau, regarde sa boite de messagerie. Il est 21:21. Celeste n’a pas encore répondu. Léandre a le temps de prier.
Il boit une petite gorgée brûlante de sa tisane, délaisse bureau, ordinateur et tasse et dans un coin de la pièce, va s’agenouiller au prie-dieu, croiser les mains sur son rosaire, fermer les yeux. Serein, tourné vers Dieu et porté par sa foi, il récite en silence un “ Pater Noster”, un “Ave Maria” et un “Credo”. Il s’adresse ensuite à son Seigneur, l’appelle à être présent pour ceux en quoi il croit, pour ceux à qui il tient. Pour la paix, le pardon et la fin des maux dans le coeur des hommes, pour le partage et l’amour dans l’individualisme de ce monde. Pour ses âmes qui souffrent du rejet, de la pauvreté, de la maladie, pour ses brebies qui haïssent et détruisent de s’être égarées sur les chemins de la vie. Il pense à celui qu’il a été pendant si longtemps, se pardonne ses erreurs, murmure à son soi du passé qu’il portera dans le futur le message d’amour qu’il n’a compris que trop tard. Il pense aussi à la quiétude du repos d’Antoine, à Neliya, à ceux qui ont croisés sa journée, à ce garçon de dix-sept ans qui s’est suicidé il y a longtemps, à Celeste qui doit être en train de lui répondre. A sa grand-mère aussi. Il espère que chacun d’eux trouvera la voie de l’épanouissement et sur son visage bercé d’une esquisse de quiétude, une larme glisse lentement de sa paupière inférieure et sa mâchoire. Il pleure si légèrement mais se sent bien, empli de grâce et d’espérance. Il aimerait que cet instant de communion et d’amour si pur et plein ne finisse jamais mais une notification résonne dans la pièce. C’est le moment . Sans précipitation, il clôt sa prière, récite en salutation un dernier “Paster Noster”, “Ave Maria” et “Credo” et après un instant de silence, ouvre les yeux, se redresse, va lire à son bureau le message qu’il devine.
Quand il parcourt les mots, son état d’esprit est encore différent par rapport à son message précédent. Il est moins euphorique, moins dans la recherche de tout saisir de l’autre, ne se focalise pas sur le fait que Céleste refuse son aide pour sa grand-mère, sourit à peine aux remarques plaisantes ou amusantes. Il ne cherche pas à en savoir d’avantage que ce que l’autre souhaite révéler.
Il accueille les choses telles qu’elles sont, serein, bercé de cet éveil spirituel qui endort émotions et sensations, répond en écoutant ce sentiment de bienveillance profonde.
28 janvier 2049 - 23h37 Cher Celeste, J’aurais tant à répondre à chacune de vos affirmations mais surement cela rendrait-il ce courriel poussif et prolixe. Pour cela, je vais donc me contenter de répondre à ces points qui me semblent importants et font écho en moi .
Je ne peux que comprendre votre volonté de ne pas impacter davantage vos proches avec l’expression de votre inquiétude mais n’oubliez pas que taire son soucis crée parfois celui d’autrui car les gens que l’on aime sont rarement insensibles à nos détresses muettes. N’oubliez donc pas que les fardeaux se portent à plusieurs et que personne n’aimerait vous voir vous effondrez d’avoir trop porté. Notre force parfois est aussi d’admettre notre faiblesse et notre besoin de soutien. Pour exprimer cette idée, j’aime personnellement l’image qui veut que les hommes sont tous boiteux, qu’il est donc nécessaire de s’appuyer sur autrui et que nous sommes tous les béquilles les uns des autres même si c’est avant nous-mêmes qui nous portons.
Pour votre grand-mère, si elle se sent isolée au service d’oncologie, j’y ai une connaissance qui y est également soignée. C’est une femme formidable, positive et dynamique nommée Astoria si votre parente ne la connaît pas encore. Je ne pourrais pas vous donner son nom de famille, ne le connaissant pas mais je ne crois pas qu’il y ait plusieurs personnes de ce prénom dans le service.
Vous avez résumé à merveille mon rapport à l’écriture par ailleurs et je n’aurais su en développer une définition si juste. Peut-être est ce parce que l’écrit crée une distance, une sécurité que je me sens à laisse pour m’y exprimer. Quand à écrire, je le fais principalement sous le forme de journal. Je ne possède pas le talent et l’imagination nécessaire à la fiction mais consigner mon quotidien, mes pensées et mes sentiments est un exercice que j’apprécie et une hygiène de vie pour ne pas oublier celui que je fus hier. Archiver ma vie me permet de me projeter dans le futur, de garder en mémoire l’Essentiel car comme chacun je ne suis qu’une construction de moments passés. Dans le cadre de mes implications extra-professionnelles et de mon développement spirituel, j’écris également de nombreux discours et textes à thématiques sociales, théologiques et philosophiques qui, espérons-le, deviendront dans le futur le terreau de quelques essais.
Pour votre part, écrivez-vous régulièrement car l’aisance de votre expression semble trahir quelques habitudes à l’art des lettres et je ne m’étonnerais pas de vous voir écrivain de quelques pensées également.
Concernant mon amie, elle n’a malheureusement pas trouvé d’âme sœur pour l’instant et j’avoue ressentir quelques inquiétudes à son propos. En effet, bien qu’elle ne m’en parle pas et tend à vouloir me le cacher, il me semble qu’elle s’enfonce dans un radicalisme anti-androide qui me chagrine et m’inquiète. Je ne dirais pas que je porte de la sympathie envers cette nouvelle technologie mais l’extrémisme apporte rarement de bonnes choses et je ne sais comment aborder la conversation avec elle. Si vous avez des pistes à explorer, je vous suis toute ouïe.
Peut-être pourrions-nous même discuter de cela de vive voix autour d’un verre, le 14 février passé car si mon studio est des plus spartiates, je me ferais néanmoins un plaisir à vous inviter à ouvrir et déguster quelques belles bouteilles.
Pour conclure, n’ayant aucun talent pour trouver des sujets de conversation mais appréciant échanger avec vous, je vous laisse le loisir des prochaines thématiques.
Au plaisir de vous lire,
Léandre
Céleste Francoeur
Mails : 32
Double-compte : Thomas Loiseau
Emploi/loisirs : Chanteur lyrique
$ : 438
Mer 5 Juin - 23:51
ft. des gens
La Galette du Cœur.
Le message envoyé, Céleste réduit l’onglet et regarde l'heure avancée. Il est tard, pas assez pour devenir tôt. Mais peut-être que Léandre ne répondra plus, qu'il est parti se coucher, qu'il s'est endormi car demain il doit sûrement travailler. Et lui qui lui prend de son temps, de son sommeil, car il n'a rien à faire le lendemain. Aucune obligation, aucun horaire à respecter. Juste du temps à occuper et égrainer inlassablement. Doit-il éteindre à son tour, attendre un potentiel retour ? Il ne sait pas trop, commence à se dire que peut-être il exagère un peu, à accaparer l'autre homme toute une soirée. A lui fait subir quelques états d'âme et tourments alors que ce n'est pas le moment. Qu'importe, son esprit se glisse dans le coton de la nuit, dans les brumes de sa vie. Bercé par les ronronnements de la chatte, par les vapeurs de son alcool, Céleste est encore une fois entre deux. Entre deux eaux, entre deux mondes. Entre deux secondes où le temps n'existe plus trop, qu'il se délie infiniment, comme sa pensée. Déliée. Alors il laisse aller, comme beaucoup trop souvent ce soir. Il laisse aller ses espoirs et fait semblant de croire. Croire que tout va bien, que tout ira mieux, qu'il y a un après heureux. Laisse aller des mots, des souvenirs, des pensées éparses et soupire. Une nouvelle gorgée du liquide ambrée. Le goût sur son palais est puissant, exaltant, enivrant. Ça glisse dans sa gorge, chaleur qui ne réchauffe pas l'heure. Il attend, ne sait pas jusqu'à quand, ne sait pas si c'est idiot ou s'il peut encore espérer une réponse. La musique s'écoule toujours, mais il reconnaît la fin, les derniers rythmes un peu extatiques, l’apothéose des sons, mélodies qui s'harmonisent au diapason, avant que les dernières notes ne se dissipent dans les airs, dans un écho fantomatique. Hm. Céleste baisse les yeux dans le fond de son verre, cherche quelques réponses à des questions non posées et soupire encore, parce qu'il se perd dans des chemins un peu trop étranges, même pas sombres. Simplement dépassé par les derniers événements, par ce moment, par la fatigue qui retombe aussi. Tsss. C'est ridicule, il est ridicule. Et ça n'est pas nouveau. Alors quand la notification teinte clairement dans le silence qui s'est fait, il ne saurait dire si ce sont des minutes ou des heures qui ont glissé sur lui. Ce n'est pas important, il est déjà parti, ouvre le message et lit. Puis relit. Et reste bloqué sur ce mot, sur ces quelques lettres formées innocemment au milieu de tout ça. Il y a plein d'autres choses amenées, d'autres idées développées. Mais il oublie. Relie ce mot encore et encore et rit. Fort. Sincèrement, clairement, ça raisonne un peu et il essuie quelques larmes qui perlent au coin des yeux. Cette vie est trop étrange, cette rencontre improbable, les circonstances incroyables. Et il y a encore un lien, un trois fois rien, qui fait que Céleste soupire, sourire qui ne veut quitter ses lèvres et qui atteint ses yeux. Alors il pianote, laisse ses doigts courir, il dévoile encore un peu. Décrit ce qu'il peut. Écrit au mieux. Qui comment pourquoi. Astoria. Léandre connaît Astoria. Oui, pourquoi pas. Et ça le fait toujours sourire, alors qu'il reprend le message pour parcourir le reste. Se concentrer sur la suite. Répondre à chaque idée, sans forcément les lier. Point par point il revient. Se confesse au creux d'une phrase, passe sous silence quelques émotions qu'il pourrait détailler. Il parle plus facilement mine de rien, il y a moins ce recul qui se ressent. C'est plus présent. Céleste prend son temps, revient sur quelques phrases, se relit. Puis, lorsque l'ensemble ne veut plus rien dire devant son regard fatigué par les lettres noires qui se découpent sur le fond trop clair et trop lumineux, alors il envoie. 29 janvier 2049 - 00h12 Léandre, Je vous présente donc ma grand-mère que vous connaissez déjà il semblerait bien. A moins qu'il n'y ait plusieurs Astoria dans ce service, ce qui serait surprenant puisque je n'ai jamais entendu ce prénom porté par quelqu'un d'autre qu'elle. Astoria Francoeur, la mère de mon père. Et oui, elle est tout comme vous la décrivez et plus encore. Êtes-vous passé la voir ? Toute cette histoire me perturbe et me fait rire dans le vide, avec l'aide du whisky sans aucun doute. Voilà encore un hasard ou non, ce monde est trop petit et bien trop étrange depuis que je vous ai croisé. Peut-être devrais-juste aller dormir pour éviter de trop réfléchir sur des questions sans réponses, mais votre conversation est plaisante et le sommeil loin, peut être que la seconde raison est un effet de la première. Alors continuons. Vous dites vrai et avez sûrement raison, mais je ne sais pas à qui faire porter ça. Ni si j'ai pour l'instant l'envie et le besoin de partager cela à quelqu'un. Vous en êtes pour l'instant le seul témoin, je saurais ne pas abuser de votre écoute promis. Au sujet de l'écriture, je suis sûr que vous avez bien plus de 'talent' que vous ne le pensez. Cela se ressent dans vos mots, dans vos phrases. Il y a une expérience de la lettre que vous possédez, le reste est une question de pratique, de format et d’Intérêt. Si vous préférez le journal, il n'y a là aucune notion de talent, mais simplement des modes d'expression différents. Surtout que votre démarche est compréhensive et belle, la mémoire est tout ce que nous possédons d'hier et, comme vous le dites, nous en avons besoins pour construire demain. Je crois avoir peur d'oublier. Je veux dire, comprendre un jour que je perd mes souvenirs, puis que je me perd moi... C'est une manière de vieillir des plus horribles qui soient. Je serais curieux de feuilleter vos journaux un jour, ou écouter un de vos textes. J'aime beaucoup lire et m'inviter dans les univers et les pensées de chaque être digne d’attention. Je dois être bien trop curieux sans doute, vous en faites les frais. Et comme je n'écris pas vraiment, peut-être que ce que vous relevez dans mes mots vient seulement de mes lectures...Je ne sais pas. Je suis navré pour votre amie et je comprend aussi très bien son hostilité face à cette technologie. Mais il est vrai là aussi que le radicalisme n'est pas souvent une bonne solution. Vous êtes seul capable de juger si cela peut lui nuire ou non, après tout, vous êtes celui de nous deux qui la connaissez. Mieux, qui l'aimez. Vous devriez réussir à faire entendre vos angoisses, mais peut-être qu'elle a trouvé là une manière d'évacuer, de se détacher de vous et d'exprimer ses idées, ses émotions, etc. Si vous avez peur pour elle, dites le lui, répétez lui juste que vous êtes là pour elle même si elle le sait sûrement très bien, mais n'insistez pas plus. Je sais que vous trouverez les mots justes et la présence qu'il lui faut. Mais rien ne nous empêche d'en discuter plus, de ça ou d'autres sujets, comme vous le proposez autours d'un verre. J'accepte votre invitation avec grand plaisir.
Vous me laissez le choix des prochaines thématiques vous dites ? Bien. Me voilà dans une profonde réflexion, où il n'en sortira sûrement rien d’intéressant. Je ne sais quoi aborder. Avez-vous voyagé ? Le sujet est bateau, cela dit je serais ravi de lire vos périples si vous en avez eu. Et parlez moi de ce que vous faites dans l'associatif. Vous l'avez évoqué plusieurs fois et avez dû rencontrer ma grand-mère dans ce milieu, je me trompe ?
Bien à vous, Céleste.
PS : Je suis plutôt satisfait de moi, en me relisant je trouve n'avoir pas fait trop de digressions ni avoir écrit quelque chose de totalement minable. Vu l'heure ce n'était pas gagné. Mon chat est en train de manger mes cheveux et faire des nœuds avec cela dit, je crois que voir que je n'ai pas éteint à cette heure la met de sale humeur et cela est une bonne excuse pour me contrarier. C'est pitoyable, mais elle n'a que faire que je sois blasé. J'hésite à lui faire finir le fond de mon verre pour la calmer. Qu'en pensez-vous ?
Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
- Très anxieux. Lévres en piteux état, fume.
- prêt à tout pour être enfin reconnu et aimé par sa famille
- incapable d'aimer autrui et soi-même
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- pense que les androides sont des créatures déviantes
- belle âme au fond qui attend son envol
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- espére un jour être soigné
- attiré par Antoine Dastre
Ses cils battent. Il est presque demain et la journée a été longue, fait peser le poids de ses heures sur les paupières de l’Albatros. Le courriel envoyé et la concentration retombée, la fatigue l’a pris subitement, l’assomme comme un coup de massue. Sans qu’il ne puisse les contrôler vraiment, ses yeux se ferment, alourdis et son esprit s’évade doucement, glisse, brumeux, ailleurs, vers l’abysse qu’offre les bras de Morphée.
Léandre souffle lentement, encore partiellement conscient, se sait en train de se perdre, se laisse aller aux appels du sommeil, la quiétude de l’âme remplacée par la fatigue sereine. Quelques secondes, il laisse au temps ce moment de rien, prend plaisir de cet instant de pause, accepte de laisser ses yeux clos et de tout simplement attendre, une impatience molle au cœur, bercé par l’envie étrange de s’endormir sans le vouloir pour, au matin, découvrir une réponse. Un présent.
Trop fatigué pour étirer ses lèvres, il sourit dans son cœur à cette image de veille de Noel, profite encore une demie-minute d’un de ses soupirs qu’il s’autorise si peu souvent dans sa vie toujours en frénésie, rythmée par les devoirs de son emploi du temps. Tribunal, association, études pour le séminaire. Prières, courses du quotidien, repas, maraudes. Il n’y a de terrain d’existence pour aucune latence dans cet engrenage de productivité poussée à l’excés, cette existence emprisonnée d’un carcan d’excellence. C’est la vie telle qu’on lui a appris et telle qu’il l’a choisie et Léandre enchaîne toujours, sans jamais se poser et quand il le fait, l’instant lui est étrange, toujours inédit. Agréable et trop long aussi et il lui semble qu’il s’étire sans fin ce soir quand minuit sonne au loin, l’extirpe du début de rêve qui a failli l'envoûter. L’Albatros frissonne, se concentre de nouveau. Il ne doit pas s’endormir car il le sait, Céleste va répondre. Il veut le lire et lui souhaiter Bonne nuit avant de sombrer. Question de politesse. D’emporter dans ses rêves les chants et les berceuses des lettres.
Il soupire, vaguement nauséeux de fatigue, s’accroche à la lumière de son écran, fait défiler dessus les articles de la Croix qu’il tente de lire sans les comprendre, l’esprit trop ralenti, les paupières clignant irrégulièrement. Minuit douze et le son de la notification sonne comme une délivrance. Il va lire le message, en rate quelques mots, relit et, sous un effort, sourit. Astoria est la grand-mère de Celeste. La vie parfois, ne manque pas de surprise et le hasard se teinte des beautés de la destinée. C’est tout ce qu’il retiendra ce soir du message. Pour le reste, il verra demain. Aucune urgence ne le presse et il veut prendre le temps de partager, être pleinement éveillé pour cela.
29 janvier 2049 - 00h29 Cher Céleste, Un court message pour vous signaler que j'ai bien lu votre courriel et c'est avec plaisir que je m'appliquerai à y répondre demain au retour de mon travail. En effet il est déjà tard et même sobre, je ne pense pas pouvoir y répondre ce soir avec autant d'éloquence que vous au vu de l'heure. À dire vrai, je suis déjà grandement somnolant et la réception de votre réponse était la seule chose qui me séparait encore des bras de Morphée. Peut-être aurais-je pu vous signaler mon départ avant cet instant mais je ne souhaitais pas vous interrompre dans une quelconque réponse ou partir sans vous le signaler. Voilà donc une chose faite. Douce nuit à vous et présentez mes excuses à la demoiselle sur vos genoux. Je vous rends tout à elle.
Ps : Quel doux hasard que celle que nous connaissons sous le nom d’Astoria nous soit tous les deux liés, vous bien plus qu’à moi néanmoins. Je ne l’ai pas encore visitée par manque de temps et aussi car je n’en suis pas si proche pour me permettre de la déranger mais soyez sur que je le ferrais dans les jours à venir. D’ici là, elle et vous recevrez la preuve de mes prières dès demain matin.
Tendrement,
Léandre
Céleste Francoeur
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Dim 9 Juin - 16:09
ft. des gens
La Galette du Cœur.
Il se relit. Laisse retomber l'appareil sur la table, laisse retomber sa tête en arrière sur le dossier de son fauteuil. Il pourrait s'endormir là, ses pensées embrumées, son esprit mollement éveillé. Il se sent un peut pitoyable à alterner les états d'âme, à ne pas vraiment se sentir ni bien ni mal, ni vraiment présent ni vraiment absent. Il y a cette douce euphorie, celle qui vient après toute sa peur, toute sa fatigue, qui arrive avec son soulagement et qui s'étend avec la conversation de la soirée. Et il y a tout le reste qui guette autour, qui reste un peu en arrière mais qu'il sent toujours. Alors il soupire, encore, laisse les quelques minutes s'égrainer, la réponse arriver. Elle ne tarde pas, ne s’embarrasse pas de trop de détails, juste lui dire un bonne nuit et Céleste hésite, entre la tristesse de devoir laisser l'autre s'en aller et la satisfaction d'avoir eu une attention. Léandre a voulu attendre son message pour le laisser à son sommeil, a voulu lui souhaiter une bonne nuit avant de disparaître. C'est plaisant, et un sourire fatigué étire à nouveau ses lèvres. Il hésite. A lui répondre à son tour, mais un mail pour simplement quelques mots serait sûrement de trop. Bien trop formel aussi peut-être. Tant pis, il n'a pas le choix, n'a pas le numéro de l'autre homme et ne souhaite pas passer pour un impoli. Alors il tape rapidement un message, deux lignes à peine. Et éteint son téléphone pour la nuit. Il pourrait se lever, se mettre au lit, mais il préfère rester là encore quelques instants. Rester dans cet état avant de s'égarer dans ses songes pour se lever le lendemain et devoir affronter une nouvelle journée morne et vide et pleine de questions et de rien. Peut-être sortira-t-il, peut-être qu'il pourrait en profiter pour trouver quelqu'un, physiquement ne pas être seul et se fondre dans un nouvel oubli, moins vide. Peut-être. Il ferme les yeux doucement, s'endort. Assis dans son fauteuil, Ortie qui ronronne sur ses genoux. L'odeur du whisky s'élève encore de son verre vide, il aura mal au dos le lendemain.
29 janvier 2049 – 00h32 Passez une bonne nuit mon cher Léandre et pardonnez moi de vous avoir tenu éveillé si tard. Merci à vous, Céleste.
Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
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Son dernier message envoyé et celui de Céleste reçu, Léandre a sombré. Un sourire léger au cœur, l’âme portée par un bourgeon d’attachement envers le chanteur, il a quitté la chaise de son bureau, s’est allongé dans son lit et Morphée l’a enlacé, a enserré son corps sans relâche ni rêve jusqu’au petit matin, peu avant que le clocher de Saint Léon ne sonne six heures, l’extirpe totalement de sa somnolence. C’est une chose rare qu’il se réveille de façon spontanée, bien conscient de son milieu mais le corps mou, l’esprit maussade et brumeux, encore fatigué de la veille.
Il grommelle, referme les yeux, se retourne, fourre sa tête dans l’oreiller à recherche des songes, tente de retrouver le sommeil pour une heure, le temps que son réveil sonne et que sa journée commence réellement. L’entreprise est vaine néanmoins et après vingt minutes, Léandre souffle, excédé de patienter, trop nerveux du temps perdu à essayer de dormir. Il sait à présent qu’il n’y arrivera pas, un morceau de son esprit trop excité par la journée à venir pour se poser, obnubilé par les tâches à faire. Sur sa liste mentale trop longue, il repense au sanctuaire saint Pérégrin où il a promis de se rentre, à Celeste et à leurs échanges, aux questions qu’il a posé, à Astoria qu’il doit visiter. A sa journée aussi, banale, qu’il doit organiser en prenant compte de tous ces imprévus qui se sont ajoutés à veille. Un râle de mécontentement et de résignation s’expulse d’entre ses lèvres quand les chiffres sur son réveil affichent 06 : 25. Sept heure arrivera bien vite à cette allure et le temps entre son réveil et sa sortie du lit sera définitivement perdue, inutile. Cela l’agace et il se lève, se prépare pour sa journée, regarde les horaires d’ouverture du sanctuaire pour s’y rendre, fronce les sourcils en voyant qu’il n’ouvre pas avant dix heures 30. Il n’aura pas le temps de s’y rendre avant le début de son travail, repense sa journée, accepte l’idée de commencer tôt au palais de justice, de consacrer sa pause déjeuner au trajet aller-retour jusqu’au lieu de culte.
Un soupire filtre de sa gorge et il quitte son petit appartement, prend le bus après l’avoir attendu quelques minutes. Dehors, l’aurore teint le ciel de nuances pastelles et délavées de rose, de jaune, d’oranger et de lila qui rendent le gris morne des bâtiments plus chaleureux, le rouge vif de la brique plus doux. Le froid de l’hiver et la pollution de la ville foutent et atténuent les contours de Montréal d’un brume légèrement blanche.
Le paysage est différent aujourd’hui alors même que le chemin est identique à chaque matin. La ville dort encore et le bus est silencieux, vide hormis de son chauffeur et de quelques usagers qui somnolent, lisent, regardent leur téléphone ou fixent le lointain. Derrière la vitre, la circulation et ses agressions de toutes sortes sont quasiment absentes et les décors glissent, fluides, ralentissent, se figent à un stop ou à un feu. Tout est plus calme et serein, loin de l’agitation étouffante du quotidien. En voyant sur le trottoir un chat qui, indolent, se toilette, loin de tout regard humain, Léandre sourit. Il a bien fait de se lever tôt.
7h45- Cher Céleste,
Je vous envoie un SMS rapide ce matin pour vous notifier que, contre toute attente, le sanctuaire saint-Peregrin n'ouvre pas avant 10h30, ne pouvant donc m'y rendre avant mon travail. Tenant néanmoins à honorer ma promesse, je m'y rendrai ce midi pendant ma pause déjeuner . Cela me permettra par ailleurs de me ressourcer.
En attendant, disposant d'un peu de temps lors de mon trajet en bus jusqu'à mon lieu de travail, je vais tenter de répondre à vos interrogations.
Tout d'abord, au risque de vous décevoir, je ne suis pas un homme de voyage, plus par manque de temps que d'envie. Adolescent et jeune adulte, j'ai voyagé dans tout le Québec lors de longues randonnées familiales ou solitaires que j'ai adoré . J'ai aussi fait de nombreuses retraites dans différentes abbayes, la dernière remontant à juin dernier, avec feu mon ami Antoine.
Hors Québec, j'ai visité en un long voyage l'Italie, de Rome, à Venise, en passant par Florence, Naples ou le Vatican. Ce sont des villes qui m'ont porté par leur beauté et leur cadre de vie agréable et étrangement paisible malgré l'effervescence des lieux et la présence en masse de trop nombreux touristes. Dans le futur, et ce dans le cadre de mon enseignement spirituel, j'aimerais parcourir les grands lieux saints, de Jérusalem à Istanbul, la Mecque ou Bodh Gaya.
Sans que je ne puisse y trouver de raisons réelles, les pays de l'est m'intéresseraient aussi. Je m'epenche beaucoup mais toutes ces destinations doivent vous paraître bien ennuyeuses vous qui avez du voyager partout. J'aimerai d'ailleurs que vous me parliez à votre tout de tout cela.
Dans le cadre d'Espérance, l'association où j'officie, je gère la création et le bon développement des projets . Souvent par partenariat avec d'autres corps associatifs, nous travaillons auprès de différents milieux en difficulté sociale. (sans-domiciles, et immigrés non régularisés, personnes maltraitées , prostituées, prisonniers, petite délinquance , jeunes rejetés par leur parents pour leur identité sexuelle et de genre). Les actions sont diverses mais toujours tournée vers l'aide physique et l'accompagnement psychologique. C'est un sujet éternel d'intérêt et je pourrais vous en parler plus longuement si vous le souhaiter. Mon bus arrive bientôt à destination et je vous laisse donc.
Céleste Francoeur
Mails : 32
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Dim 28 Juil - 23:36
ft. Léandre
La Galette du Cœur.
Lumière, qui perce ses paupières. Il est encore trop tôt, mais la fenêtre ouverte sur le ciel trop clair ne s’embarrasse pas de détail. Et Céleste prend conscience de là où il dort, de sa position. L'aube pointe à peine mais il ne peut pas rester ainsi, avec un mal de dos, son inconfort venant du fauteuil dans lequel il s'est endormi. Un grognement lui échappe, il fronce les sourcils, tente de garder les yeux fermés pour retrouver le sommeil. Un soupires'élève, il abandonne. Se lève difficilement pour étirer tous ses muscles endoloris. Mais quelle idée... L'esprit encore flou par le sommeil et la fin de sa légère gueule de bois, il va fermer les volets et tirer le rideau. Puis sort de sa chambre, descend difficilement les marches jusqu'à sa cuisine parce qu'Ortie miaule trop fort, lui rempli ses gamelles et va se vider la vessie. Et, le regard embrumé, il regarde l'heure et décide d'aller se recoucher. Ce qu'il fait sans plus de cérémonie, se glissant avec délice sous ses draps frais après s'être déshabillé sans plus réfléchir. Le sommeil le rattrape rapidement. Il ne se sent même pas sombrer.
Il se réveille quelques heures plus tard naturellement, pas beaucoup plus reposé mais l'esprit plus clair. Il baille, s'étire, paresse encore au lit et garde ses paupières closes. Il ne sait pas quoi faire de sa journée. Son trop plein de soucis et de peurs se faisant plus léger, il y a une forme de vide qu'il ne sait comment remplir. Alors il se lève, cette fois pour de bon, et décide d'attaquer ce nouveau jour dans l'ordre. Prendre un petit-déjeuner lui semble d'ailleurs un bon début. Sa robe de chambre enfilée et nouée à la taille, Céleste descend à nouveau l'escalier pour rejoindre sa cuisine. Ortie l'accueille plus calmement, se frottant entre ses jambes à grand renfort de ronronnements jusqu'à ce qu'il daigne lui accorder toute l'attention qu'elle mérite et la caresser sur tout le dos jusqu'aux oreilles. Elle s'enfuit dès qu'elle a eu sa dose, et lui peut reprendre son activité. Bouilloire qui chauffe, un fruit, quelques tartines. Le thé qui infuse envahi la pièce de son odeur fleurie. Ce n'est pas aussi présent que chez sa mamie, mais ça réussit à lui tirer un sourire alors qu'il s'assoit et commence à manger. Il ne lui faut pas plus longtemps avant d'allumer son portable et enfin checker les dernières nouvelles, bien que sa routine soit perturbée par un message. Intrigué, il pose son coude sur la table et s'appuie dans sa main, la tête sur le côté pour lire le long sms qui s'affiche. Numéro inconnu. Qui ne le reste pas longtemps. Il n'a pas besoin de nom, ni d'indication. Les deux premiers mots suffisent à le faire sourire plus encore, il a trouvé. Et lorsqu'il regarde l'heure où le message a été envoyé, il se sent un peu coupable. Léandre a du veiller tard à cause de lui, il en est désolé. Peut-être pas autant qu'il le devrait, l'idée que l'homme l'ait accompagné jusque tard et le contacte aussi tôt lui fait plaisir, fait du bien a son ego il faut le dire. Alors il le parcourt, laissant son repas de côté pour le moment. Il est amusé, parce que même par sms la conversation garde son ton, son rythme. Et il trouve surtout que, pour quelqu'un qui se dit ne pas être un homme de voyage, Léandre en a tout de même fait beaucoup. Différemment et pas autant que ses tournées peut-être, mais cela n’empêche pas. Il en connaît des plus casaniers. Le portable est laissé de coté, le temps pour lui de finir sa pomme. Puis il le reprend d'une main, l'autre tenant sa tasse avec prudence. Et il répond rapidement, sans toutefois réussir à écrire autant. Le support est différent, plus direct, moins propice aux grandes envolés lyriques et dévoilements personnels. Il ne saurait faire le même format de message, quitte à paraître un peu froid. Ce qu'il ne souhaite pas. Alors il hésite, prend une gorgée qui réchauffe son palais d'un goût végétal et léger, réfléchit de longues secondes puis se lance. Cela ne sert à rien d'attendre plus longtemps, et il souhaite vraiment reprendre sa conversation avec Léandre. Dommage que l'autre soit au travail, mais au moins par sms il peut espérer quelques mots de temps en temps dans la journée.
10h48 – Navré de vous avoir tenu éveillé aussi tard cette nuit, j'espère que vous ne souffrez pas trop du manque de sommeil. Encore sincèrement merci pour votre soutien et votre présence, cela m'a fait beaucoup de bien. Et ne perturbez pas vos plans, je ne veux pas vous savoir sacrifier votre pause pour satisfaire une 'obligation' envers moi, si vous ne pouvez pas passer par Saint-Pérégrin ce n'est pas grave et je ne vous en tiendrais pas rigueur.
Envoie de son premier message, puis il reprend. Incapable de faire un long texte d'un coup, ça lui permet aussi de clarifier ses pensées, d'ordonner un peu tout ça malgré les restes de sommeil et d'alcool qui flottent non loin dans sa tête.
10h51 – Pour quelqu'un qui dit ne pas avoir beaucoup voyagé, vous en avez fait beaucoup, même dans notre propre pays. Je connais que peu d'abbayes, mais le cadre et le calme donnent envie de d'y séjourner. En recommandez vous certaines pour quelqu'un qui n'est pas croyant ? Je ne voudrais pas un jour arriver quelque part pour m'y poser, et finalement blasphémer et blesser d'autres âmes. Et l'Italie est vraiment un beau pays, je suis ravi de pouvoir partager cet avis avec vous. Il y a tellement d'histoires et de richesses à travers toutes ces villes. Beaux projets de voyages futurs, j'aimerais beaucoup repasser par Istanbul et cette fois prendre le temps de découvrir la vie et la culture, je n'y suis pas resté assez longtemps pour pouvoir vous aider à organiser ce voyage ou vous donner des adresses. Quels pays de l'Est vous plairaient ?
Il prend quelques minutes pour finir de manger et nettoyer rapidement, puis part s'installer dans son canapé tout en réfléchissant. Qu'est-ce qu'il peut lui répondre. Parler de la solitude, du manque de repère, de la peur de s’arrêter mais de la crainte de ne pas avoir de chez soi, d'attache ? Parler des gens qui restent, à chaque endroit où il passe, des proches qu'il laisse derrière ?
11h02 – Je ne saurais vous faire par de mon expérience sans relever aussi les mauvais cotés de ce train de vie. Oui j'ai beaucoup voyagé, c'est une chance immense, faite de dizaines et dizaines de rencontres tellement différentes et enrichissantes. C'est aussi tout autant de départ et de 'au-revoir' sans profiter d'un véritable chez-soi et foyer. De bons comme de mauvais côtés donc. Votre investissement dans votre association est tout à votre honneur, c'est un plaisir de lire votre implication et je comprends que cela vous tienne à cœur. Je serais ravi d'en rediscuter quand nous nous reverrons si vous le souhaitez. Je vous souhaite une bonne journée, malgré qu'elle soit bien entamée maintenant.
Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
- Très anxieux. Lévres en piteux état, fume.
- prêt à tout pour être enfin reconnu et aimé par sa famille
- incapable d'aimer autrui et soi-même
- conservateur trés croyant
- pense que les androides sont des créatures déviantes
- belle âme au fond qui attend son envol
- homosexuel refoulé
- espére un jour être soigné
- attiré par Antoine Dastre
Il est presque onze heures quand la notification de ses messages sonne trois fois à intervalle court. Léandre est en pleine rédaction d’un rapport mais il lance un regard furtif sur son téléphone, esquisse un sourire doux en voyant le nom de Céleste s’afficher.
Dans sa poitrine, son cœur se serre imperceptiblement sous une euphorie légère mais il ne déverrouillé pas ni ne lit tout de suite la réponse de son interlocuteur, retourne aussitôt à son travail.
Il compose face à l'envie, travaille sa patience, se réserve car dans une heure, une alarme sonnera sur son portable pour annoncer midi. Il pourra alors pleinement profiter des mots.
Il continue sur cette certitude, se concentre d’avantage, laisse les minutes s’égrener à une vitesse folle, ne s’autorise à repenser aux sms qu’au douze coups du clocher.
Il n'attend pas alors, range son dossier sur le côté de son bureau, quitte le palais de justice, s'engouffre dans la station Saint Laurent, rentre dans le premier métro, commence sa réponse sur son téléphone, lève à peine les yeux quand le train s'arrête aux stations aux décors représentatifs de toute une époque dépassée, d'une modernité décrépie.
Leandre souffle sous la chaleur étouffante du wagon, envoie son premier SMS.
12h13 - Midi ayant sonné, j'ai le plaisir de prendre ma pause déjeuner et de vous répondre. Tout d'abord, nul besoin de vous excuser pour hier, la veille a été des plus plaisante et la fatigue n'est qu'une maigre compensation pour ce moment en votre compagnie. Pour le sanctuaire, je ne fais nullement cela par obligation et suis déjà sur le chemin pour m'y rendre. Il est donc trop tard pour faire marche arrière.
Le métro est blindé. Les stations défilent. Ils passent devant le vitrail de Pierre Gaboriau de BERRI-UQAM, les colonnes arc-en-ciel de Baudry, la fresque aux teintes criardes sur la voute de Papineau, le sol terre de sienne de Frontenac, le plafond aux poutres rouges et ajourées de cercles de Préfontaine. La ligne verte est si triste et laide. Léandre n'y fait pas attention néanmoins, finit son deuxième message.
12h26- Nous avons la chance d'avoir de jolies abbayes au Québec mais si vous ne deviez n'en visiter qu'une, je vous conseillerais celle de Saint Benoît du lac. Le cadre et l'architecture sont charmants et les moines accueillent chrétiens et non-chrétiens de façon égale. Pour l'est de l'Europe, je ne crois pas avoir de pays de prédilection et dirais, de l'ouest en est, l'Autriche, la Pologne, l'Hongrie, la République Tchèque, la Roumanie et la Slovaquie. De façon un peu naïve, j'aimerais traverser ses pays à pied et en voiture, loger chez l'habitant dans un esprit road trip. De nature peu entrepreneuse, je crains néanmoins de ne jamais avoir le courage de faire cela seul. Quand à vos voyages, j'en comprends parfaitement les problématiques. Vous êtes au Québec chez vous alors profitez du temps de pause auquel vous oblige votre santé pour vous reposer, vous ressourcer et être auprès de vos proches.
Très bon après-midi et à tout à l'heure. Je vous envoie une photo du Sanctuaire dès que j'y suis arrivé
Ps : comment va votre voix depuis notre dernière rencontre ? Question de pouvoir dialoguer avec plus d'aisance, un appel ce soir ou un jour prochain vous plairait-il ?
L'Albatros n'a plus rien à écrire, laisse glisser son regard par delà les vitres du wagon. Il reste cinq stations mornes, les murs jaunes de Joliette, la grisaille sculpturale de Pie-iX, l’obscurité chaude de Viau, les touches d’orange d’Assomption, la grisaille, encore, de Cadillac et de Langelier.
Léandre, pour cela, déteste le métro. Il descend. Enfin. D'un pas vif et nerveux, il s'échappe des entrailles de la station, marche jusqu'au Sanctuaire, ouvre la porte du lieu de culte après une longue inspiration. Il se calme, expulse d'un souffle la tension du transport. Il entre et aussitôt la quiétude de l'endroit l'embrasse de son aura . Les lieux de culte lui ont toujours fait cela. Ils le rendre humble, "rien du tout" face à la grandeur de la foi et ce, peu importe l'envergure ou le sublime de l'édifice. Saint-Pérégrin, dans son genre, n'est d'ailleurs pas très imposant. Il est à taille d'homme, tout de béton blanc, de lattes de bois et de briques de terre rouge. La lumière du lieu est jaune, chaleureuse, le silence serein, tourné vers la prière sans être anxiogène. Le Sanctuaire ressemble à un foyer dans son intimité.
Sourire, étrangement rassuré. Léandre observe les quelques priants assis sur les bancs, se rend dans la partie de l'édifice où sont déposées les bougies, glisse un billet dans l'urne des dons, allume une neuvaine, la place entre ses sœurs, joint les mains, clot ses paupières en recueillement. Il prie, fait bouger ses lèvres sous des mots mués, à peine murmurés, implore le Seigneur pour celle qui l'a fait venir ici. Il demande la guérison de longues minutes puis, lentement, progressivement, quitte la vénération, reouvre les yeux, plisse son regard ébloui de la lumière oubliée dans la méditation.
Il aspire l'air chargé de l'odeur du bois et de cires, laisse au moment un temps de rien pour se reconnecter à l'instant présent, à ses réalités.
Il se sent bien. En paix. Inspiration calme où il prend son téléphone dans sa poche, photographie avec soin le porte-cierges où, entre d'autres, se trouve sa neuvaine. Il écrit un message succinct à Céleste, l'envoie, éteint son téléphone pour profiter encore quelques minutes de la quiétude du lieu, de cet instant hors des temps.
12:52 -
Le sanctuaire Peregrin et la Neuvaine (la jaune au milieu) pour Astoria. L'endroit est petit mais très agréable. La bougie, comme son nom l'indique brûlera pendant 9 jours. J'irais en remettre une ce temps passé en espérant que cela apportera la guérison à celle qui nous est chère.
Céleste Francoeur
Mails : 32
Double-compte : Thomas Loiseau
Emploi/loisirs : Chanteur lyrique
$ : 438
Ven 16 Aoû - 19:03
ft. Léandre
La Galette du Cœur.
Affalé dans son salon, les pieds nus sur le tapis, Céleste est pensif. D'un mouvement sur son portable, il a lancé la musique et depuis il fixe le vide. Dans ses réflexions floues, il y a Léandre aussi. Il se demande où ils vont comme ça, à discuter autant, partager quelques moments plus ou moins importants derrière un écran. Ça ne lui ressemble pas tellement, une simple conversation aussi riche avec un inconnu, sans flirt vraiment de sa part, sans rencontre physique. Simplement eux aux travers du virtuel et ça le perturbe, loin de ses habitudes. En même temps, il ne se sent pas de chercher plus, il y a quelque chose dans le ton, ou dans leur relation qui l'empêche de se comporter légèrement, comme il le fait pourtant trop souvent. Badiner pour cerner les gens, profiter de l'instant et ne rien construire vraiment de plus, c'est ce qu'il sait faire... Et le voilà à se lier d'amitié avec un inconnu à l'entrée en matière si particulière. Est-ce pour ça aussi qu'il baisse la garde et ne prends pas ses chemins habituels... Peut-être. Qu'importe aussi. Y a Ortie qui joue dans ses pieds et ça le sort de sa léthargie. Céleste la pousse doucement alors qu'elle attaque de nouveau, et il reste ainsi quelques minutes à l'embêter, avant de se diriger vers sa salle de bain et de faire couler l'eau. Il se défait de son vêtement, se glisse dans l'eau pour se rincer. Tenter d'évacuer les dernières traces de sa nuit, sans non plus replonger dans son sommeil. Il paresse tout de même un peu dans l'eau, jusqu'à ce que la sonnerie de son téléphone ne résonne dans la pièce. La musique particulière lui indique que c'est sa sœur, c'est pourquoi il se permet de ne pas décrocher le temps de se sécher rapidement. Puis une fois dans sa chambre, allongé sur son lit, il rappelle et la tonalité n'a pas le temps de se faire entendre qu'on répond. Ce n'est pas urgent, juste qu'elle a besoin de parler, de mettre des mots sur hier, de prendre des nouvelles de son frère aussi. Qui ne parle pas beaucoup. Sa voix est une bonne excuse, elle en a conscience. Alors Nastasie l'interroge, lui demande. Comment ça va, comment tu te sens, qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui, est-ce que tu veux en parler. Il répond posément, mais n'approfondit rien, reste en surface. Il ne veut pas l'inquiéter, ne souhaite pas qu'elle encombre son quotidien est ses pensées déjà bien chargées de lui et de ses conneries. Préfère lui mentir doucement sur tout ça et ça part d'un bon sentiment alors il ne se sent pas coupable ni rien. Même si elle n'est pas idiote et le connait très bien. Alors elle reprend, laisse de côte ces sujets pour parler, combler les blancs. Et il l'écoute évoquer ses projets, sa famille. Il soupçonne d'ailleurs qu'elle et son compagnon cherchent à l'agrandir, mais il ne dit rien. Surement qu'un jour elle lui annoncera une grande nouvelle qu'il ne le surprendra pas. Et ça le fait sourire au téléphone, alors qu'ils se chamaillent. Le sujet des parents est évité, comme tout le temps. Ils préfèrent s'embêter sur le reste, et ça finit par elle qui hurle sur William au travers du combiné, car il a eu le culot de se mêler de la discussion et d'approuver Céleste sur sa bêtise et ça lui tire un rire franc de les entendre se taquiner à l'autre bout du fil. Il raccroche avec la promesse de la rappeler demain et check les trois notifications qu'il a reçu pendant son appel. Doux sourire qui ne le quitte pas en voyant le contact s'afficher, l'image se télécharger. Léandre a tenu son engagement et il en a la preuve sous les yeux. L'attention le touche, ému que l'autre homme y soit vraiment allé dans l'intention de l'aider, d'aider sa grand-mère. Il a beau ne pas avoir la foi, ne pas partager ses croyances, il n'empêche que le geste est important pour son correspondant et qu'il l'a effectué en pensant à elle, à lui un peu. Il ne sait quoi dire sur le coup, décide de s'habiller avant, quand l'air frais de sa chambre lui tire un frisson. Puis il s'installe à nouveau en travers de son lit, pianote rapidement sur le clavier.
13h17– Merci pour tout Léandre, c'est adorable et profondément serviable de votre part. J'en parlerai à Astoria dès que possible, elle risque de me taquiner sur qui est ce charmant jeune homme bien dévoué. Je préfère vous prévenir, au cas où vous passeriez la voir dans les semaines qui suivent.
Connaissant le personnage qu'est sa grand-mère, elle se fera une joie d'être indiscrète à propos de son petit-fils et de le charrier gentiment. Elle devrait être plus sobre avec quelqu'un comme Léandre, leur relation étant apparemment simplement cordiale, mais peut-être qu'elle se permettra une petite remarque ou qu'elle cherchera à tâter le terrain et Céleste ne souhaite pas que cela ne surprenne ni ne mette mal à l'aise l'autre homme, alors il prévient. Dès lors que le sujet sera abordé, tout ne sera plus entièrement de son ressort.
13h19 – Je suis allé voir rapidement quelle est cette abbaye et ça m'a l'air tout bonnement magnifique. Je crois avoir une nouvelle destination ajoutée sur ma liste, j'aimerais sincèrement m'y rendre dans les années qui suivent. Et lancez-vous pour un voyage ! C'est une si belle aventure, ce serait dommage de passer à côté. Si vous n'avez pas de proches intéressés pour partir avec vous, faites moi signe. Avec un peu de chance, le moment tombera bien et je pourrais profiter d'un déplacement professionnel pour faire une escapade un peu en dehors de ce que je connais. Si le cœur vous en dit.
Il laisse de côte la partie sur ses difficultés à se sentir chez lui quelque part, son regard s'élevant sur le plafond de sa chambre. Oui, c'est son pays, c'est même sa propre maison. Mais avec si peu d'attaches construites ici, Céleste ne sait parfois pas trop se situer. Reste dans l'idée simple de se dire que chez lui c'est l'endroit où se trouve les deux seuls membres de sa famille qui compte pour lui. Et le reste n'est que superflu.
13h22 – Merci encore pour vos attentions. Ma voix va déjà beaucoup mieux, je dois la retravailler tranquillement. Alors ne vous gênez pas pour m'appeler quand vous le souhaitez, j'ai peu de choses de prévues et donc peu de risques de ne pas être disponible. Passez une bonne après-midi aussi.
Il se retient sur la fin, efface le 'je vous embrasse' qu'il a écrit inconscient et ça lui tire un sourire. Et maintenant, il ne sait comment s'occuper jusqu'à la soirée. Rallume son portable pour texter une amie sur un coup de tête. Elle est dispo, il l'invite à flâner dans le parc pas loin de chez elle. Il y a un salon de thé correct dans le coin, ce sera parfait.
Portrait robot : - psychologie basée sur l'obéissance
- Très anxieux. Lévres en piteux état, fume.
- prêt à tout pour être enfin reconnu et aimé par sa famille
- incapable d'aimer autrui et soi-même
- conservateur trés croyant
- pense que les androides sont des créatures déviantes
- belle âme au fond qui attend son envol
- homosexuel refoulé
- espére un jour être soigné
- attiré par Antoine Dastre
« Depuis que je l’ai rencontré, j’ai creusé au fond de moi et j’ai regardé ces ténèbres qui étaient tapies là et respiraient tout bas comme le Mort. Je ne les aurais jamais affrontées s’il n’avait pas été là. J’aurais certainement vécu sans savoir qu’il y avait des lumières éblouissantes dans ce que je croyais être des ténèbres absolues […] Je n’aurais pas compris que ces ténèbres n’étaient pas totales et que c’étaient en fait ces lumières éblouissantes qui m’aveuglaient. Grâce à lui, j’ai fini par comprendre que si l’on arrive à aimer d’un amour vrai, on partage déjà la Gloire de Dieu. Il n’est plus là, à mes côtés, mais je voudrais remercier Dieu de m’avoir donné la chance de le rencontrer. »
Nos jours heureux, Gong Ji-young
Léandre souffle doucement, laisse son regard s’égarer sur chaque partie de clair et d’obscur du Sanctuaire, puis revient à la lumière incandescente des bougies, à l’espoir et à la prière que chacune représente. Antoine, de longs mois, avait été une d’elle. Il avait été le cierge qui l’avait relié à Dieu et aux hommes et patiemment, par la douceur de sa bonté, il avait fait croitre en l’âme de l’Oiseau d’autres lueurs, avait lutté contre l’obscurité dont son cœur semblait toujours vouloir se recouvrir. Il avait été le phare-guide puis sa flamme, soudainement, s’était éteinte rendant l’univers de l’Albatros à la nuit . Léandre, de ce passage brutal de lumière à obscurité, le cœur en pupille déréglée, n’avait alors plus rien su discerner et avait cru les ténèbres absolues. De longs mois, replié derrière la brume noire de ses pensées, il n’avait distingué ni les mains tendues, ni les sourires des inconnus. Impénétrable à autrui, il n’avait vu aucune lueur jusqu’à ce qu’une, éclatante, s’impose à lui, l’oblige par une invitation à quitter son monde et retrouver la vue. Un sourire et une main tendue.
Léandre étire ses lèvres à cette image teintée de douceur et de mélancolie. D’apaisement. Cette bougie qu’il vient d’allumer, il la dédie à cette lueur pâle qui lui avait semblé tout d’abord aveuglante et qui demain peut-être serait celle à l’origine de toutes les autres.
L’Albatros se plait à imaginer ce futur et après un dernier Merci à Celui qui le veille, quitte le lieu, reprend le métro, l’esprit ailleurs, tourné vers les rêves.
Il n’attend rien et c’est le cœur paisible qu’il reçoit les messages de Céleste, y répond, la simplicité des mots comme expression.
13h 37 - Tout le plaisir est pour moi. Cette sortie m’a fait plus de bien que je ne l’aurais supposé. Merci à Astoria et à vous-même d’en avoir était la raison. Je prends note par ailleurs de votre remarque par rapport à ma future visite et je vous suis reconnaissant de votre attention et de votre prévention. J’espère qu’Astoria ne vous taquinera pas trop car me savoir l’objet de votre embarras m’attristerait. Pour l’idée de voyager à vos côtés, si nous continuons à échanger d’ici là et que vous êtes libres, cela sera un réel plaisir et je ne doute pas que, par votre vécu, vous aurez énormément à apporter à cette expérience. Quant à notre appel, puis-je vous appeler ce soir, aux alentours de 21h30 ? Amicalement, L .L »
Léandre aimerait le remercie davantage, lui transmettre la profondément et la subtilité du bonheur qu’éveille en lui leurs échanges. Il souhaiterait lui dire que sa présence est une lumière, qu’il y ressent la quiétude des prières. Il ne sait pas le formuler néanmoins et envoie son message, verrouille son téléphone, laisse les dernières stations défiler.
De l’autre côté de la vitre, les teintes criardes de la fresque de Papineau lui semblent plus douces, les colonnes arc-en-ciel de Baudry lui donnent des envie d’aimer et de pleinement s’accepter, le vitrail de BERRI-UQAM lui parait plus beau et vibrant qu’à l’aller. Tout a changé, si légèrement. C’est là la lueur d’un amour, la flamme de sa foi qui mue l’obscurité en clarté.
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